Dagen dégaine contre Boudin
Il y a une mode Boudin et depuis quelques semaines un
renversement de tendance. C’est Dagen qui a dégainé le premier dans Le Monde du
9 avril 2013. Sa charge contre Eugène Boudin est malencontreuse.
Certes l’exposition du Musée Jacquemart-André est ratée. Le
musée, qui fait payer l’entrée très cher,
ne tient pas les promesses que l’on pouvait attendre d’une « Rétrospective »
si vantée sur ses panneaux publicitaires.
L’affiche de l’exposition, d’ailleurs, fait fuir d’emblée
les foules : elle représente l’Inauguration du Casino de Deauville, tableau
de Boudin dans un style pompier du Second Empire avec une caution pour la
grande bourgeoisie parisienne et les clients de la peinture de chevalet.
Boudin a du gagner sa vie et comme tout peintre de son époque
a fait des concessions à la mode et aux attentes d’un public pas toujours féru
d’avant-garde et de peinture (cf. Manet). Aussi, l’exposition du Boulevard Haussmann
regorge de ces peintures qui ont souvent trouvé preneur à l’étranger et qui ont
reçu, dans les normes commerciales du moment, « leurs deux couches de
verni règlementaires » (ce qu’on appelle le « vernissage ») avant
leur vente au plus offrant.
Ce que n’a pas compris Dagen, c’est que ce n’est pas là le
Boudin qui intéresse les amateurs d’art, les peintres et l’histoire de l’Art. Et
effectivement on s’y ennuie : les ciels d’accord, les marines oui, les
bords de l’eau pourquoi pas, mais comme m’a dit une Allemande : « C’est
reposant » !
Le Boudin qui fait frémir, existe quand même dans l’exposition
mais dans les interstices : quand Monet est confondu par Boudin dans ce « Clocher
de Ste Catherine » peint sur bois et où la touche Boudin fait mouche.
Mais surtout le vrai Boudin on le trouve quand il peint ses
vaches en bord de mer (il y en a très peu dans l’expo et la copie des vaches de
Paul Potter du Louvre est bien pâle), quand il peint des ciels mais sur des
esquisses, petits papiers (malheureusement gâchés par des sous-verres qui tuent
leur force), quand il peint ses amis Monet, Jongkind …sur des formats ridiculement
petits, mais alors il peint « juste
et touchant », des gréements à
Etretat selon un angle tandis que Monet peint les lavandières sous l’autre
angle (mais le conservateur n’ a pas pensé à associer les deux tableaux faute de moyens sans doute)!
Sa touche est alors délicate, précise et en même temps
aérienne et flottante. Elle suggère et évite le bavardage et l’excès :
elle est alors musicale et chantante, une musique française qui n’a rien à voir
avec les Constable, Turner et Bonington que cite Dagen.
C’est dans son jus qu’il faut voir Boudin. Dagen est
peut-être sous influence, Boudin jamais !
F. Mauresk.