samedi 18 mai 2013

Boudin



Dagen dégaine contre Boudin

Il y a une mode Boudin et depuis quelques semaines un renversement de tendance. C’est Dagen qui a dégainé le premier dans Le Monde du 9 avril 2013. Sa charge contre Eugène Boudin est malencontreuse.

Certes l’exposition du Musée Jacquemart-André est ratée. Le musée, qui fait payer l’entrée très  cher, ne tient pas les promesses que l’on pouvait attendre d’une « Rétrospective » si vantée sur ses panneaux publicitaires. 

L’affiche de l’exposition, d’ailleurs, fait fuir d’emblée les foules : elle représente l’Inauguration du Casino de Deauville, tableau de Boudin dans un style pompier du Second Empire avec une caution pour la grande bourgeoisie parisienne et les clients de la peinture de chevalet. 

Boudin a du gagner sa vie et comme tout peintre de son époque a fait des concessions à la mode et aux attentes d’un public pas toujours féru d’avant-garde et de peinture (cf. Manet). Aussi, l’exposition du Boulevard Haussmann regorge de ces peintures qui ont souvent trouvé preneur à l’étranger et qui ont reçu, dans les normes commerciales du moment, « leurs deux couches de verni règlementaires » (ce qu’on appelle le « vernissage ») avant leur vente au plus offrant. 

Ce que n’a pas compris Dagen, c’est que ce n’est pas là le Boudin qui intéresse les amateurs d’art, les peintres et l’histoire de l’Art. Et effectivement on s’y ennuie : les ciels d’accord, les marines oui, les bords de l’eau pourquoi pas, mais comme m’a dit une Allemande : « C’est reposant » !

Le Boudin qui fait frémir, existe quand même dans l’exposition mais dans les interstices : quand Monet est confondu par Boudin dans ce « Clocher de Ste Catherine » peint sur bois et où la touche Boudin fait mouche. 

Mais surtout le vrai Boudin on le trouve quand il peint ses vaches en bord de mer (il y en a très peu dans l’expo et la copie des vaches de Paul Potter du Louvre est bien pâle), quand il peint des ciels mais sur des esquisses, petits papiers (malheureusement gâchés par des sous-verres qui tuent leur force), quand il peint ses amis Monet, Jongkind …sur des formats ridiculement petits, mais  alors il peint « juste et  touchant », des gréements à Etretat selon un angle tandis que Monet peint les lavandières sous l’autre angle (mais le conservateur n’ a pas pensé à associer les deux tableaux faute de moyens sans doute)!

Sa touche est alors délicate, précise et en même temps aérienne et flottante. Elle suggère et évite le bavardage et l’excès : elle est alors musicale et chantante, une musique française qui n’a rien à voir avec les Constable, Turner et Bonington que cite Dagen. 

C’est dans son jus qu’il faut voir Boudin. Dagen est peut-être sous influence, Boudin jamais !

                                                                                                                                                                F. Mauresk.