Stéphane Guénier
à la GALERIE DJEZERI-BONN du 12
février au 4 avril 2015.
Il y a du trouble dans l’air, peut-être de l’orage, du
tumulte sûrement, on entend à l’extérieur le bruit des bombes, des débris
projetés par les tirs de kalachnikov, les tanks non loin ravagent les
campagnes de l’Ukraine, en Syrie, on tue on viole on assassine, les religions
veulent exister, elles s’apostrophent, ou se désolent, des attentats, chacun
ramasse ses morts, non loin, à côté de chez moi, de chez toi, de chez nous, le
silence ne rassure pas, quel nouveau meurtre se prépare, les cerveaux fuient, dit-on
parfois, de quoi, pourquoi
Et puis à Donetsk, de l’opéra, un air, à Omsk, les enfants
jouent, une fleur, au bord d’un cratère, un sourire, une femme, une odeur de
cuisine, la table est mise, on partage, du pain, du riz, du vin, le violon
grésille, le cochon aussi, on sort des cartes, à jouer, des rires retentissent,
un chien aboie, dans un coin, l’amour, deux lèvres qui s’unissent, une
étreinte, l’appel du large, le refrain de la vie
47 Rue de Turenne, Galerie Djezeri-Bonn, on expose des papiers,
24 exactement, de Stéphane Guénier, une « technique mixte »selon les
cartels, complexe, et pourtant, tirés au cordeau, des carrés des rectangles des
bandeaux, jaune, rouge, bleu, vert, noir, blanc, Guénier joue ses gammes, ce
sont des paysages, ou des portraits de paysage, des collages, des insérés
Il n’y a rien à voir et puis beaucoup, finalement, plusieurs
langages, juxtaposés, un environnement aqueux, comme les bords de seine, en
plein champ, ou des débordements, d’une rivière happant le paysage, un ciel
sûrement et pourquoi pas un chemin mais un cheminement c’est certain, du simple
au complexe comme dans la vie, des noirceurs peut-être, de la profondeur en
tous les cas
Un bleu qui nous échappe, un reflet, dans une vitre, un
blanc, et puis, comme une équation, un quadrillage millimétré, des diagonales
hachurées, comme des interdits, un no man’s land, un territoire préservé,
peut-être celui du peintre, il poursuit sa découverte, du zéro à l’infini,
faisant correspondre les taches, dans un chaos tranquille
L’abstraction domine, les effluves de son âme, oscillent
entre bonheur et mélancolie, nous sommes, nous aussi, peu à peu happés, et
comme le peintre, le sac en bandoulière recroquevillé comme un escargot, reste au bord même de ses propres sentiments, nous
sommes prêts à rebrousser chemin, à fuir le monde ou à en créer un autre
Un simple appel, une invitation au voyage, un détour, qui ne
se trouve pas loin, au coin de la rue, peut-être même sur un écran, cathodique,
ce qu’on n’a pas vu et qu’il nous donne à regarder, un instant, pas plus que,
surtout ne pas déranger, toujours la besace près du corps, prêt à partir, à
déserter, on ne sait jamais
Mauresk