lundi 16 février 2015

Stéphane Guénier



Stéphane Guénier   à la GALERIE DJEZERI-BONN  du 12 février au 4 avril 2015.


Il y a du trouble dans l’air, peut-être de l’orage, du tumulte sûrement, on entend à l’extérieur le bruit des bombes, des débris projetés par les tirs de kalachnikov, les tanks non loin ravagent les campagnes de l’Ukraine, en Syrie, on tue on viole on assassine, les religions veulent exister, elles s’apostrophent, ou se désolent, des attentats, chacun ramasse ses morts, non loin, à côté de chez moi, de chez toi, de chez nous, le silence ne rassure pas, quel nouveau meurtre se prépare, les cerveaux fuient, dit-on parfois, de quoi, pourquoi

Et puis à Donetsk, de l’opéra, un air, à Omsk, les enfants jouent, une fleur, au bord d’un cratère, un sourire, une femme, une odeur de cuisine, la table est mise, on partage, du pain, du riz, du vin, le violon grésille, le cochon aussi, on sort des cartes, à jouer, des rires retentissent, un chien aboie, dans un coin, l’amour, deux lèvres qui s’unissent, une étreinte, l’appel du large, le refrain de la vie

47 Rue de Turenne, Galerie Djezeri-Bonn, on expose des papiers, 24 exactement, de Stéphane Guénier, une « technique mixte »selon les cartels, complexe, et pourtant, tirés au cordeau, des carrés des rectangles des bandeaux, jaune, rouge, bleu, vert, noir, blanc, Guénier joue ses gammes, ce sont des paysages, ou des portraits de paysage, des collages, des insérés 

Il n’y a rien à voir et puis beaucoup, finalement, plusieurs langages, juxtaposés, un environnement aqueux, comme les bords de seine, en plein champ, ou des débordements, d’une rivière happant le paysage, un ciel sûrement et pourquoi pas un chemin mais un cheminement c’est certain, du simple au complexe comme dans la vie, des noirceurs peut-être, de la profondeur en tous les cas

Un bleu qui nous échappe, un reflet, dans une vitre, un blanc, et puis, comme une équation, un quadrillage millimétré, des diagonales hachurées, comme des interdits, un no man’s land, un territoire préservé, peut-être celui du peintre, il poursuit sa découverte, du zéro à l’infini, faisant correspondre les taches, dans un chaos tranquille

L’abstraction domine, les effluves de son âme, oscillent entre bonheur et mélancolie, nous sommes, nous aussi, peu à peu happés, et comme le peintre, le sac en bandoulière recroquevillé comme un escargot,  reste au bord même de ses propres sentiments, nous sommes prêts à rebrousser chemin, à fuir le monde ou à en créer un autre

Un simple appel, une invitation au voyage, un détour, qui ne se trouve pas loin, au coin de la rue, peut-être même sur un écran, cathodique, ce qu’on n’a pas vu et qu’il nous donne à regarder, un instant, pas plus que, surtout ne pas déranger, toujours la besace près du corps, prêt à partir, à déserter, on ne sait jamais                                                           Mauresk