mercredi 10 octobre 2018

CHAMBRE

Tout tourne autour du lit nuptial dans Chambre de neKomata. Un lit à baldaquin couvert de lierre et de mousse, un lit royal dans lequel se joue la destinée du monde et donc de chacun.

Une Nuit Blanche dans cette chambre-grotte moussue, humide, suintante, empreinte végétale des sous-bois où se jouent la vie et la mort. Et d'où ne sortira aucune vérité.

On y danse, on y danse en cette soirée de mariage dans l'insouciance de la jeunesse et du bonheur enfin gagné sur une musique techno ou électro quelques flon-flons aussi des musiques de partout et de nulle part  qui s'insinuent dans le jeu des danseurs-acteurs. Un clubbing en quelque sorte

On s'y endort aussi comme drogués par la fatigue, un demi-sommeil ou un sommeil complet qui permet le mélange des corps et les accouplements fortuits portés par le dance-contact-improvisation.

De cette nuit des temps sort un enfant, un certain ou incertain Œdipe qui cherche sa mère et son père dans la délivrance de  la naissance. Tableau de l'inconscient ou de sa caricature.

Une voix nous rappelle la tragédie : "il tua son père et épousa sa mère".

Car, il s'agit visiblement non d'un jardin d’Éden mais peut-être d'une jungle mortifère un remake de la machine infernale de Cocteau ou de la tragédie de Sophocle.

Dans cette chorégraphie théâtrale on suffoque ! Cette mousse qui imprègne l'univers, ces jeux de miroir  où personne ne se reconnaît ces machines à danser qui psalmodient un chant de maldoror et ce devin prophète qui ne devine rien et ne prophétise que ce qu'on lui apprend

Connais-toi toi-même disait la pythie de Delphes, mais comment faire quand tout vous échappe, l'étreinte, le désir, la généalogie

Et avec au centre du jeu la mère ou la femme le double visage de Jocaste qui précipite dans l'escalier, le tunnel ou sous le métro

C'est Femme que devrait s'appeler cette pièce !                            F.Mauresk.

Prochaine édition à Marseille à "L'embobineuse" 11 Boulevard Boues à 20h30 le 13 octobre 2018

mardi 27 mars 2018

Hé maintenant si on dansait

Sur les murs la peinture danse semblable à une peau de poisson séché au gré des flots (Charuel) des traits comme des hachures peut-être des fentes des fissures ou des taches comme nuages multicolores de Pierre de Laboulaye ou un saut de l'Ange dans les airs d'un marigot burkinabé ou dahoméen (F.B.) les irruptions d'une DJ au Métropolis d'Orly dans un capharnaüm où la débauche rivalise avec la luxure tandis que le Grand Carré (RR, GL et FF) posé sur une table de nuit nous rappelle que tout est flou et indistinct dans l'Art


Mais aussi un petit théâtre vénitien de danseuses en papier fripé qu'on dirait sorties directement du carnaval de La Sérénissime (V. Dutron) ou ce Ballet Gex de Charuel dont les ombres chinoises font oublier que les robes des ballerines nous servent habituellement à récurer et récupérer tandis qu'Isabelle Terrisse nous façonne toutes les postiches en pastiche des coiffes de danseuses à la Degas en filasse teintes et sculptées

Derrière une posture de Schlemmer (Charuel) en carton tourné semble prendre la pose pour un ballet de Ducoufflé aux JO Sans bouger elle virevolte tandis qu'Isabelle Terrisse fait tournoyer une Isidora Duncan plus vraie que nature dans ces drapés de soie rose scintillante du plus kitch effet

Tout tourne en effet et cette exposition nous donne le tournis comme les notes de musique tressées au fil de l'eau (mais peut-être me trompe-je ?) par la même Isabelle Terrisse ou les museaux muselés en muselets de Suzanna Lorig on s'embrasse aussi en dansant ici

Ronde de Tableaux lui répond F. Bonheur et F.H.S. raconte une danse presque inconnue sauf des ébats amoureux tant le contact est proche et saisissant et figé dans le calcaire blanc de la taille directe en Saint-Maxime de Bourgogne

Dans un défilé de festival Ne-buta d'Aomori avec ses gongs ses flutiaux et ses flons flons au pas cadencé des danseurs costumés le Japon est à l'honneur (F.Bonheur) Inquiétante aussi danse mystique ou mythique d'Akiko Peruez Maiano sculptures lithiques ou tout simplement en terre cuite qui nous laissent une impression de douleur et d'effroi

Car la danse n'est pas que bonheur danse du feu ou danse macabre elle transforme l'être en âtre cultivant le culte des ancêtres ou symbolisant la transe dans des bacchanales enchevêtrées dans des Tournesols coquins ou VanGoghuin

Les fresques du Hip Hop rivalisent avec celle du danse contact improvisation  sur les murs de la villa francilienne où se produit cette exposition mais déjà un bruit de téléphone portable résonne, une chaise tombe avec fracas sur le Dance Floor

Commence la frénétique danse de Fabio Bello dont le corps se confond avec le décor l'effaçant d'un coup
Il fait couple fait tanguer l'espace  le secoue comme un bateau ivre singeant des caryatides d'un nouveau genre qui se mettraient à marcher au plafond

A l'étage Dora et son fan-groupe accompagne la Jam de  Contact Improvisation dont les trois principes font mouche ce soir on se touche on donne plus ou moins de poids on s'en va quand on veut ! ça file ce soir sur le parquet point de Hongrie on rampe on roule les uns sur les autres on s'embrasse dans des embardées spontanées


                                                                                                                                       Mauresk

mercredi 27 mai 2015

Le Roi Arthus



Le Roi Arthus
Cette légende a pour nous, Français, un petit goût d’étranger. Enfant, je n’arrivais pas vraiment à me l’approprier. Elle me semblait trop lointaine, de mœurs extérieures à ma culture et à mes appétits fantasmagoriques.
Pourtant, la légende de Lancelot du Lac à la quête du Graal ou celle de Tristan et Iseult ont tout pour séduire l’âme d’un chevalier dans l’âme.  Quête éperdue et perdue d’avance du Saint des Saints ou de l’Amour dans tout ce qu’il a de courtois et de chaste.
Mais je n’arrivais pas à y croire ou à me l’approprier. Et l’iconographie elle-même (tableaux romantiques de la légende d’Ossian) ou le néo-gothique de l’architecture du XIXème siècle (reprise  par la littérature anglo-saxonne)  me faisaient une impression  froide qu’un garçon élevé sur les bords de la méditerranée ou sous les Tropiques n’arrivait pas à intégrer à son monde.
Sans doute est-ce pour rompre avec ce schéma que la mise en scène de Graham Vick et le décor de l’Opéra de Chausson adoptent le parti inverse. Une peinture de l’atelier de l’opéra Bastille emprunte l’image d’une tour carré du Moyen-âge, tour des Clermont-Tonnerre sans doute… et l’atmosphère vert-prairie relevé par un jaune vif et clair sonne comme l’amour des amants.
Vision pré-freudienne de Chausson ? Ou tout simplement humaine de cette légende : Genièvre veut faire l’amour avec Lancelot après avoir tout obtenu d’Arthus. C’est d’autant plus excitant pour elle que Lancelot est le chevalier préféré d’Arthus et son fils putatif et qu’Arthus est le héros incontestable des Chevaliers de la Table Ronde.
L’enjeu pour La femme est de taille : battre au lit ce que les mâles ont gagné sur le champ de bataille. Foin de l’honneur (en dépit de ses dénégations), Genièvre veut gagner sur tous les tableaux.  Et les hommes enserrés par leur règles phalliques de « chevaliers preux et sans peur » ne peuvent que périr dans ce piège dangereux de l’amour charnel.
Aucune justice n’est possible à partir du moment où La femme demande la satisfaction de ses désirs incommensurables. Et Mordred , véritable fils d’Arthus, et jaloux de Lancelot, se fait l’artisan de l’effondrement de l’idéal sociétal voulu par Arthus. La Table Ronde est un Graal elle-même. Et les épées restent plantées dans le sol abandonnées par leurs récipiendaires.
La musique de Chausson menée par Philippe Jordan est une révélation. Elle allie discrétion et sensibilité sans jamais sombrer dans le mélo ou le bel canto. Cela explique sans doute sa faible popularité mais aussi sa forte contemporanéité.                    Mauresk.  

dimanche 29 mars 2015

à table



À Table

Le Christ est nu les apôtres aussi un calicot blanc pour cacher leurs parties ils sont musclés et pendant la cène le Christ semble taper du poing sur la table Judas ressemble au prince Harry il tâte les seins d’une femme et la foule des philistins regarde la scène comme des esprits sortis de la nuit

Là sans doute ? une tête de St-JB sculptée en terre mongoloïde un mascaron d’esclave dont Salomé a demandé la tête à Hérode son père Elle est posée sur un plateau dans  un papier transparent de bouquet de fleurs Derrière une raie sourit dans un tableau pastiche de la raie de Chardin un poisson vivant semble se précipiter vers elle entrouverte (F.H.S.)

Des poissons il y en a à foison  tête tranchée dents de la mer ou en entier en peau de poisson séchée collée sur un papier-vague (M.Charuel) ou en plomb pendu ou enroulé sur lui-même (V. Dutron) les mets et entremets s’entrelacent dans l’exposition À Table 

On trouve des sacs de pommes de terre comme on en voit plus Des choux en paraffine  mais aussi des salades de toutes sortes un homard sculpté en bois roulé aux pinces dignes des Vingt mille lieues sous les mers (M. Charuel) ou peintures sur papier kraft de légumes variés ou avariés 

Il y a à manger mais aussi à boire les flacons fillettes bouteilles magnums abondent mais aussi carafons  bouteilles géantes en muselières de bouchon de champagne (Suzanna) ou en papier de soie enserrée dans un étui en zinc (V. Dutron) ou tesson de bouteille finement ciselé avec un liseré de plomb complété de rubis enchâssés comme si le vin s’était figé en s’écoulant par la brisure du flacon (M. Laurent) 

Michel Laurent complète sa vision de la table avec peintures collages et mosaïques où la bouteille et le flacon sont surplombés ou soulignés par une femme laissant voir ses atours Ses montages laissent voir la complexité d’un monde dans lequel les choses ne sont jamais figées quand elles sont confrontées au vivant 

La table vit aussi avec la sculpture en plâtre repoussé d’une nappe livrée au souffle du vent sur laquelle est servi un couvert fantomatique (L. Guimier) le socle composé d’une caisse en bois et d’une potence-liseuse en fer forgé rajoute un kitsch indéfinissable à cette table suspendue par du fil de pêche 

Peut-on manger dans ces conditions et quoi manger dans ce monde frêle où la modernité renforce la fragilité de l’humanité si bien que la nature morte de F.H.S. composée d’un établi d’un compotier de pommes pourries de Vico de bouteilles vides et d’un poisson en bois flotté tenant un trognon entre ses dents le tout posé sur une nappe immaculée  est un pied-de-nez à toutes les natures mortes appétissantes « au compotier » 

Sur la table on mange mais aussi on joue aux cartes aux dés et en ce jour de Rameau le jeu de dés est de rigueur la police féminine modernité oblige montée ou démontée attend de pouvoir procéder aux arrestations la soldatesque est prête et affiche « police » au-dessus de ses seins rebondis 

à table on tire la gueule (Lebelle Ribourg F.H.S.) les poissons ont l’air en carton-pâte  est-ce bien à table sur la table que tout se passe ou en dessous de table on fait du pied ou se donne des coups de pied caresse mais aussi gueule-de-bois après un repas trop arrosé et les chants des poivrots montent dans la nuit 

Dans l’embrasure de la porte des cuisines un couple se donne un long baiser qui n’en finit pas sur la toile colorée le frais de la mer les voiles d’un bateau ou le bond d’un jaguar côtoient la cuisinière et les casseroles de cuivre il y a du Brassens dans l’air 

Buvons encore un coup dans ces verres moulés en soie suspendus légèrement dans une toile de gaze (V. Dutron)  

Exposition à table 28-29 mars 2015 Atelier F.H.S. 6 rue Lafontaine, Antony.
Mauresk

jeudi 5 mars 2015

Riralph l'atelier au fil de l'eau



Riralph, l’atelier au fil de l’eau.

C’est le capitaine d’un navire transatlantique ou d’un supertanker amarré dans le port de Rouen et,  de sa capitainerie, une ancienne infirmerie des docks de Rouen, un bâtiment de briques rouges mécaniques, Ralph Ribourg embrasse de son regard le nouveau paysage que la ville industrielle et portuaire millénaire essaie de se donner désormais. 

En face de ses ateliers, le nouveau centre d’art contemporain, des quais aménagés, une promenade, des pistes cyclables. Comme tout le vieux continent, Rouen se tourne vers l’avenir en intégrant dans son tissu urbain les institutions qui accompagnent cette évolution. 

Et pourtant, Riralph reste très éloigné de ce brouhaha culturel. Son atelier relève plutôt de la casemate qui permet de voir sans être vu. Un incognito favorisé par l’état d’abandon des lieux, une friche dans un monde minéralisé où la culture est bureaucratisée  pour l’enlever aux artistes eux-mêmes et permettre aux technocrates du pouvoir de se l’approprier (de Seban à Lasvignes). 

Un art en friche donc en opposition totale avec ce que les experts appellent des œuvres de « qualité muséale » (toujours les mêmes) qui flambent sur le « marché de l’art » entre Lady Gaga à la promo et Lord Gago à la réalisation (raccourcis permis par Philippe Sollers dans « Médium »). Sotheby’s et Karsten Grave n’ont qu’à bien se tenir et Perrotin  préparer ses cimaises. 

Nous entrons dans un dédale  que l’infirmerie dévastée symbolise. Et dans l’attente de sa fin programmée par la spéculation culturelle qui frappe à sa porte, Ralph peint. Il peint entre les flux qui circulent autour de lui, véhicules terrestres sur l’autoroute qui longe le val de seine et navires de toute sorte qui dérivent dans ce qui est déjà l’estuaire du fleuve rouannais. 

Il peint sous l’emprise d’un monde qui ne pénètre ici que de manière filtrée : le ciel et ses mouvances comme l’eau du fleuve et ses tourments restant maîtres des lieux. Capitaine au long court donc que cette peinture dévoile peu à peu. 

Et le dévoilé voilé n’est pas sans clin d’œil avec les peintres du passé  qui, à Rouen,  ont tous trempé leurs pinceaux dans la seine. Une peinture qui rappelle  le claquement des drisses des clippers des temps passés et le gonflement des voiles appelées par la brise et la houle du large.  Une peinture qui se frotte et qui crisse, une peinture au tempo musical tantôt triste et sombre, tantôt doux et ensoleillé. 

Tempête sur la peinture faite d’une geste prompte et scandée par une couleur vive et retenue en même temps. Le peintre arrête sa note au bord du gouffre et nous fait remonter sur la crête de la vague en un clin d’œil. C’est un cycle et un replat en même temps et nous avons tout en bouche d’un coup. 

Les arômes dévastent le palais et les parfums des fleurs sauvages qui entourent son antre pénètrent en effluves saturées le corps du logis. Et puis la pause (ou plutôt des demi-pauses) nous laissent respirer avant que le labourage ne reprenne son sillon. 

Quand le train sifflera-t-il pour Ralph Ribourg ? Nous reprenons le Rapide pour Paris qui survole les méandres de la seine sur des ponts de fer toujours en encorbellement entre ciel et eau.     
                                                                                                                                                       F. Mauresk.  

lundi 16 février 2015

Stéphane Guénier



Stéphane Guénier   à la GALERIE DJEZERI-BONN  du 12 février au 4 avril 2015.


Il y a du trouble dans l’air, peut-être de l’orage, du tumulte sûrement, on entend à l’extérieur le bruit des bombes, des débris projetés par les tirs de kalachnikov, les tanks non loin ravagent les campagnes de l’Ukraine, en Syrie, on tue on viole on assassine, les religions veulent exister, elles s’apostrophent, ou se désolent, des attentats, chacun ramasse ses morts, non loin, à côté de chez moi, de chez toi, de chez nous, le silence ne rassure pas, quel nouveau meurtre se prépare, les cerveaux fuient, dit-on parfois, de quoi, pourquoi

Et puis à Donetsk, de l’opéra, un air, à Omsk, les enfants jouent, une fleur, au bord d’un cratère, un sourire, une femme, une odeur de cuisine, la table est mise, on partage, du pain, du riz, du vin, le violon grésille, le cochon aussi, on sort des cartes, à jouer, des rires retentissent, un chien aboie, dans un coin, l’amour, deux lèvres qui s’unissent, une étreinte, l’appel du large, le refrain de la vie

47 Rue de Turenne, Galerie Djezeri-Bonn, on expose des papiers, 24 exactement, de Stéphane Guénier, une « technique mixte »selon les cartels, complexe, et pourtant, tirés au cordeau, des carrés des rectangles des bandeaux, jaune, rouge, bleu, vert, noir, blanc, Guénier joue ses gammes, ce sont des paysages, ou des portraits de paysage, des collages, des insérés 

Il n’y a rien à voir et puis beaucoup, finalement, plusieurs langages, juxtaposés, un environnement aqueux, comme les bords de seine, en plein champ, ou des débordements, d’une rivière happant le paysage, un ciel sûrement et pourquoi pas un chemin mais un cheminement c’est certain, du simple au complexe comme dans la vie, des noirceurs peut-être, de la profondeur en tous les cas

Un bleu qui nous échappe, un reflet, dans une vitre, un blanc, et puis, comme une équation, un quadrillage millimétré, des diagonales hachurées, comme des interdits, un no man’s land, un territoire préservé, peut-être celui du peintre, il poursuit sa découverte, du zéro à l’infini, faisant correspondre les taches, dans un chaos tranquille

L’abstraction domine, les effluves de son âme, oscillent entre bonheur et mélancolie, nous sommes, nous aussi, peu à peu happés, et comme le peintre, le sac en bandoulière recroquevillé comme un escargot,  reste au bord même de ses propres sentiments, nous sommes prêts à rebrousser chemin, à fuir le monde ou à en créer un autre

Un simple appel, une invitation au voyage, un détour, qui ne se trouve pas loin, au coin de la rue, peut-être même sur un écran, cathodique, ce qu’on n’a pas vu et qu’il nous donne à regarder, un instant, pas plus que, surtout ne pas déranger, toujours la besace près du corps, prêt à partir, à déserter, on ne sait jamais                                                           Mauresk

jeudi 15 janvier 2015

the smell of us notre odeur

The smell of us notre odeur

Sexe vice fantasmes visiblement dans la tradition de Larry. Mais surtout explosif dans la réalisation la narration. Dans la salle du mk2 Beaubourg j’apprends par ma voisine que j’assiste à une avant-première du film signalée sur le web. Comment ai-je pu rentrer ? Ça fait dix jours que tout est réservé.

La salle est pleine la salle est jeune. Ça fait drôle et je m’en étonne mais le buzz a fait le reste ; Larry Clark parle à la jeunesse de la jeunesse et la jeunesse s’en souvient. Jeunesse dorée avec bagouzes ongles rongés et tatouages pas de musulmans ici et le contraste est fort avec l’ambiance qui domine dehors depuis le 7 janvier.

Le débat est ici renversé Larry parle une langue de Charlie de Jean-Luc Godard en plus trash un peu comme la peinture de Jonathan Meese à la galerie Templon à côté. C’est onirique wagnérien décadent violent révulsant écœurant.

Le casting ne s’en est pas remis. Après le film les acteurs sont là et nous racontent la violence sur le plateau sans raconter tellement ce n’est pas racontable. A tel point qu’un père de 40 ans leur demande s’il y avait de la drogue de l’alcool pour aider les acteurs pendant le tournage.

Visiblement les tensions ont bouleversé le scénario si ce n’est dans le fond mais dans la forme. Si bien qu’une partie du casting initial a été sacrifié qu’un nouveau recrutement au pied-levé a été nécessaire. La Ddass la police ont vérifié que tout était régulier. Les sexes dans des chaussettes pendant le tournage l’absence de stupéfiants

Comme pour Soumission lors de sa promotion avant le 7 janvier, mais comme pour Charlie après le 7 janvier les acteurs précisent que c’est une fiction…Que tout est joué que tout est composition rien sous cocaïne que les scènes de sexe sont fictives et que tout est très professionnel. Soumission au metteur en scène sans ligne de coke donc

C’est de l’art et Larry sait ce que le langage de l’art a à dire sans concession à la société d’aujourd’hui sur sa jeunesse les rapports entre la jeunesse et les adultes. En scène violemment dans le rôle du clochard Rock star dont le corps sert de support aux skateurs d’entrée de jeu en bas du palais de Tokyo. Dans le rôle aussi du fétichiste qui lèche les pieds de l’Escort-adolescent.

Est-ce la jeunesse parisienne ? La question vient d’un acteur et la réponse aussi pour lui non et un autre indique qu’il ne se reconnaît pas dans le film tout le monde semble être sous le choc du tournage et du résultat. Où veut en arriver Larry ?

A un langage universel qui a dérouté tout le monde au moment du tournage nous dit un plus vieux Qui est le propre d’un créateur autodidacte nous dit un technicien L’expérience Larry passe par cette incompréhension radicale ici aussi

C’est ça qui est radical l’incompréhension. Des êtres les uns des autres les jeunes entre eux les jeunes et les vieux et ses regardeurs-voyeurs avec le film de Larry. Et pourtant n’est-ce pas là que Larry frappe juste en nous prouvant ce décalage entre les êtres appartenant à un même monde à une même culture.

Alors que peut-il en être pour des cultures si différentes que celles qui se côtoient désormais en occident.

Il ya des relents de Michel-Ange sur le plan esthétique dans « notre odeur » mais peut-être de Kubrick dans ce jeu dangereux plébiscité par la jeunesse dorée du Trocadéro. Le skate une prouesse de jeunes mâles qui poussent toujours plus loin la recherche d’odeurs fortes. Qui les conduit au vertige de l’alcool de la drogue et du sexe.

La photo de presse autour de Larry sur le net montre la déroute que laisse à cette jeunesse ce miroir constitué pour elle par Larry. Une impression morbide que les jeunes acteurs présents hier soir au Mk2 n’ont pas démenti devant leurs spectateurs. Mauresk.