jeudi 5 mars 2015

Riralph l'atelier au fil de l'eau



Riralph, l’atelier au fil de l’eau.

C’est le capitaine d’un navire transatlantique ou d’un supertanker amarré dans le port de Rouen et,  de sa capitainerie, une ancienne infirmerie des docks de Rouen, un bâtiment de briques rouges mécaniques, Ralph Ribourg embrasse de son regard le nouveau paysage que la ville industrielle et portuaire millénaire essaie de se donner désormais. 

En face de ses ateliers, le nouveau centre d’art contemporain, des quais aménagés, une promenade, des pistes cyclables. Comme tout le vieux continent, Rouen se tourne vers l’avenir en intégrant dans son tissu urbain les institutions qui accompagnent cette évolution. 

Et pourtant, Riralph reste très éloigné de ce brouhaha culturel. Son atelier relève plutôt de la casemate qui permet de voir sans être vu. Un incognito favorisé par l’état d’abandon des lieux, une friche dans un monde minéralisé où la culture est bureaucratisée  pour l’enlever aux artistes eux-mêmes et permettre aux technocrates du pouvoir de se l’approprier (de Seban à Lasvignes). 

Un art en friche donc en opposition totale avec ce que les experts appellent des œuvres de « qualité muséale » (toujours les mêmes) qui flambent sur le « marché de l’art » entre Lady Gaga à la promo et Lord Gago à la réalisation (raccourcis permis par Philippe Sollers dans « Médium »). Sotheby’s et Karsten Grave n’ont qu’à bien se tenir et Perrotin  préparer ses cimaises. 

Nous entrons dans un dédale  que l’infirmerie dévastée symbolise. Et dans l’attente de sa fin programmée par la spéculation culturelle qui frappe à sa porte, Ralph peint. Il peint entre les flux qui circulent autour de lui, véhicules terrestres sur l’autoroute qui longe le val de seine et navires de toute sorte qui dérivent dans ce qui est déjà l’estuaire du fleuve rouannais. 

Il peint sous l’emprise d’un monde qui ne pénètre ici que de manière filtrée : le ciel et ses mouvances comme l’eau du fleuve et ses tourments restant maîtres des lieux. Capitaine au long court donc que cette peinture dévoile peu à peu. 

Et le dévoilé voilé n’est pas sans clin d’œil avec les peintres du passé  qui, à Rouen,  ont tous trempé leurs pinceaux dans la seine. Une peinture qui rappelle  le claquement des drisses des clippers des temps passés et le gonflement des voiles appelées par la brise et la houle du large.  Une peinture qui se frotte et qui crisse, une peinture au tempo musical tantôt triste et sombre, tantôt doux et ensoleillé. 

Tempête sur la peinture faite d’une geste prompte et scandée par une couleur vive et retenue en même temps. Le peintre arrête sa note au bord du gouffre et nous fait remonter sur la crête de la vague en un clin d’œil. C’est un cycle et un replat en même temps et nous avons tout en bouche d’un coup. 

Les arômes dévastent le palais et les parfums des fleurs sauvages qui entourent son antre pénètrent en effluves saturées le corps du logis. Et puis la pause (ou plutôt des demi-pauses) nous laissent respirer avant que le labourage ne reprenne son sillon. 

Quand le train sifflera-t-il pour Ralph Ribourg ? Nous reprenons le Rapide pour Paris qui survole les méandres de la seine sur des ponts de fer toujours en encorbellement entre ciel et eau.     
                                                                                                                                                       F. Mauresk.  

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