Riralph, l’atelier au fil de l’eau.
C’est le capitaine d’un navire transatlantique ou d’un
supertanker amarré dans le port de Rouen et, de sa capitainerie, une ancienne infirmerie
des docks de Rouen, un bâtiment de briques rouges mécaniques, Ralph Ribourg
embrasse de son regard le nouveau paysage que la ville industrielle et
portuaire millénaire essaie de se donner désormais.
En face de ses ateliers, le nouveau centre d’art
contemporain, des quais aménagés, une promenade, des pistes cyclables. Comme
tout le vieux continent, Rouen se tourne vers l’avenir en intégrant dans son tissu
urbain les institutions qui accompagnent cette évolution.
Et pourtant, Riralph reste très éloigné de ce brouhaha
culturel. Son atelier relève plutôt de la casemate qui permet de voir sans être
vu. Un incognito favorisé par l’état d’abandon des lieux, une friche dans un
monde minéralisé où la culture est bureaucratisée pour l’enlever aux artistes eux-mêmes et
permettre aux technocrates du pouvoir de se l’approprier (de Seban à Lasvignes).
Un art en friche donc en opposition totale avec ce que les
experts appellent des œuvres de « qualité muséale » (toujours les
mêmes) qui flambent sur le « marché de l’art » entre Lady Gaga à la promo
et Lord Gago à la réalisation (raccourcis permis par Philippe Sollers dans « Médium »).
Sotheby’s et Karsten Grave n’ont qu’à bien se tenir et Perrotin préparer ses cimaises.
Nous entrons dans un dédale que l’infirmerie dévastée symbolise. Et dans l’attente
de sa fin programmée par la spéculation culturelle qui frappe à sa porte, Ralph
peint. Il peint entre les flux qui circulent autour de lui, véhicules
terrestres sur l’autoroute qui longe le val de seine et navires de toute sorte
qui dérivent dans ce qui est déjà l’estuaire du fleuve rouannais.
Il peint sous l’emprise d’un monde qui ne pénètre ici que de
manière filtrée : le ciel et ses mouvances comme l’eau du fleuve et ses
tourments restant maîtres des lieux. Capitaine au long court donc que cette peinture
dévoile peu à peu.
Et le dévoilé voilé n’est pas sans clin d’œil avec les
peintres du passé qui, à Rouen, ont tous trempé leurs pinceaux dans la seine.
Une peinture qui rappelle le claquement
des drisses des clippers des temps passés et le gonflement des voiles appelées
par la brise et la houle du large. Une
peinture qui se frotte et qui crisse, une peinture au tempo musical tantôt
triste et sombre, tantôt doux et ensoleillé.
Tempête sur la peinture faite d’une geste prompte et scandée
par une couleur vive et retenue en même temps. Le peintre arrête sa note au
bord du gouffre et nous fait remonter sur la crête de la vague en un clin d’œil.
C’est un cycle et un replat en même temps et nous avons tout en bouche d’un
coup.
Les arômes dévastent le palais et les parfums des fleurs
sauvages qui entourent son antre pénètrent en effluves saturées le corps du
logis. Et puis la pause (ou plutôt des demi-pauses) nous laissent respirer
avant que le labourage ne reprenne son sillon.
Quand le train sifflera-t-il pour Ralph Ribourg ? Nous
reprenons le Rapide pour Paris qui survole les méandres de la seine sur des
ponts de fer toujours en encorbellement entre ciel et eau.
F.
Mauresk.
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