dimanche 17 octobre 2010

Monet croustillant !

Le Grand-Palais nous a ouvert l’appétit. Le musée Marmottan a excité nos papilles. Nous avions attendu les dernières salles pour goûter Monet aux Champs-Elysées. Nous avons divagué au Bois-de-Boulogne.

Il faut avouer que l’exposition de Marmottan commence avec de sacrés amuse-gueules qui nous réconcilient avec l’humanité. L’humanité ? En fait, les amis de Monet. Ceux qui lui ont ouvert la voie : Boudin et Jongkind.

Boudin présent grâce à deux petits tableaux qui sont des merveilles, en particulier « sur la plage »(1863) : l’impressionnisme est déjà né ! Jongkind à la sensibilité exacerbée, pour qui la lumière ne fait pas tout, avec ses aquarelles d’Avignon et de Port-Vendres si poétiques.

Être ainsi entouré pour son baptême de peintre ne pouvait qu’engager Monet dans une voie qu’il ne devait plus quitter : la lumière oui, mais la sensibilité surtout et l’engagement de surcroît !

Des amis, Monet en a eu beaucoup : Renoir, L’Huilier, Séverac, Morisot, Caillebotte … Tous l’ont portraituré à qui mieux-mieux mais sans jamais donné la même impression du personnage. Comme si Monet était insaisissable, un caméléon !

N’est-ce pas d’ailleurs la version que nous en donne Renoir avec qui Monet peignait à la Grenouillère d’Argenteuil : des portraits floutés, une « impression soleil levant… ».

Le musée Marmottan se prête bien à cette sociabilité et cette intimité ; l’accrochage bourgeois qu’il nous propose dans les premières salles qui sont aussi les salons de l’hôtel particulier est propice à ces peintures de chevalet. Il crée un climat, une chaleur propice à nous charmer prolongés par les portraits de la famille : Camille, la première épouse, Jean et Michel les garçons nés de cette union.

Il recèle aussi de véritables merveilles, fruits des donations multiples dont le musée a bénéficié, en particulier de Michel Monet. Toiles d’autant plus précieuses que Monet les avait conservées en raison de l’importance qu’il leur accordait.

Nous avons aimé les vues de Bordighera (le château Dolaacqua- 1884 et Valle de Sasso-1884) un tournant dans la peinture de Monet mais aussi les effets « rose », « du soir » de la Seine à Port-Villez ou à Giverny. La barque si importante pour comprendre le virage de la fin de vie de Monet.

Mais aussi les « croûtes » dont Monet est si friand sur la Creuse au pont de Charing Cross ou encore les blancs laiteux et éblouissants au point de faire mal aux yeux (Fumées dans le brouillard (pont de Charing Cross), les maisons roses ou bleues des Paysages de Norvège-1895).

Ces « croûtes » nous savons l’importance que Monet leur accordait. Car, leur raison d’être était picturale : accrocher la lumière, donner du volume, créer une architecture en trois dimensions sur une toile qui n’en a que deux, apriori.

Elles n’arrivent pas tout de suite et elles ne s’imposent que progressivement mais à la fin de la vie de Monet, elles envahissent l’atelier. Savoir que Monet voulaient les conserver montre toute l’importance qu’elles jouaient pour lui. Pour sa peinture bien sûr, mais aussi pour la peinture en général. C’est avec les « croûtes » qu’il s’engage. Qu’il devient sculpteur!

Les commentaires qui accompagnent généralement cette fin de période, seraient que Monet ne voyait plus rien, que la cataracte modifiait les couleurs qu’il percevait etc. que des appréciations dépréciatives faisant de Monet un peintre diminué.

Ce qui est paradoxal puisque dans le même temps, il donnait, du moins aux yeux du grand public, le meilleur de lui-même avec les Nymphéas de l’Orangerie des Tuileries. ! Alors, « Monet gâteux » ou « Monet engagé » ?

Il nous semble que Monet atteint avec ses « croûtes » un niveau d’abstraction comme le siècle le réclame. Ce n’est plus la lumière qui l’intéresse mais la plastique de son art, la matière. Il pousse alors au maximum les intuitions de sa maturité celles de Bordighera, celles de la barque, qui explosent avec les « séries » de saules pleureurs et de ponts japonais.

Du coup, c’est à un Monet engagé dans le siècle naissant que nous avons affaire. Là encore, contrairement à une idée répandue (peut-être par lui-même d’ailleurs), la peinture de Monet ne s’inscrit pas contre son temps à la fin de sa vie. Ce qui le marginalise, c’est peut-être que le public n’ait retenu de lui que les Nymphéas de l’Orangerie, mal reçues par l’Avant-garde.

Revisiter Monet nous semble du coup nécessaire. Et quand on l’expose de respecter plus la chronologie ou le tempo proposé à savoir « la chronologie des croûtes » ! Tout ça est appétissant, voire croustillant !

Mauresk

samedi 9 octobre 2010

Kaboom

Entre mythes et fantasmes, avec Kaboom Gregg Ariki nous balade dans le monde, rêvé par lui, de l’adolescence. Aux Etats-Unis, le campus est l’espace emblématique de tous les apprentissages d’une jeunesse débordée par sa sensualité, ses désirs, ses fantasmes.

Et Gregg Ariki pousse au bout cette machinerie grâce à toutes les techniques mises à sa disposition par la société.

Smith, est l’archétype de l’individu à peine sorti de l’enfance, qui en 2010 est à la congruence de tout un ensemble de réseaux qu’il maîtrise plus ou moins bien.

Onirique, le film l’est en plaçant au cœur de l’intrigue la sexualité et la difficulté rencontrée par Smith pour assumer ses fantasmes et aller au bout de ses désirs. La sexualité n’est plus taboue dans la génération estudiantine américaine semble nous dire G. Ariki, et Smith peut faire valoir l’ambivalence de ses désirs.

Attraction pour le corps viril de son colocataire hétéro-Thor mais, aussi proie des désirs voraces des rencontres fortuites que lui propose la rude vie du campus : la belle London qui adore les gays, un inconnu qui se jette sur Smith la première fois qu’il fait l’expérience d’une plage nudiste.

La dé-réalité de la situation est renforcée par l’absorption de « space cake », qui comme le L.S.D dans les années 70, transporte notre fragile adolescent dans un monde à la Lewis Carol où il affronte de façon quasi-paranoïaque des forces maléfiques, des hommes de main d’une association criminelle qui portent des masques d’animaux, une secte dont il apprend qu’elle est dirigée par son père et qui veut provoquer la fin du monde…

Bien évidemment, tout ceci est amplifié par la rapidité des connections du monde moderne : l’information circule à la vitesse du haut débit et des échanges par téléphones portables. Si bien qu’aucun secret d’ordre social ou sexuel ne dépasse le quart de seconde, et les personnages sont pris dans un tourbillon de situations plus rocambolesques les unes que les autres dans la recherche de la satisfaction de tous leurs désirs d’ordre moral (secourir), religieux (assumer son destin), pervers ( mettre sous influence), sexuel (homo-, hétéro-,bi-, triolisme…)

La chromo du film comme sa chrono lui donne une touche psychédélique qui en dépit de sa modernité nous fait pencher dans un mythe rétro des années 70. Tout est flou, fluo et fou jusqu’à l’explosion thermonucléaire finale. Mauresk