vendredi 8 avril 2011

MÉAT-TRIANGLE

Méat-Triangle.

Sculpture de Ralph Ribour , zinc, ( H 213, L 125, l 63) 2011.

La sculpture se présente comme deux tôles de zinc ouvragées comme pour couvrir un toit parisien. Un triangle donc planté dans la pelouse du jardin. Il peut suggérer une porte mais aussi tout ce qui est triangulaire dans le monde et dans la vie. Pour moi : un sexe féminin.

Une encoche de souche de cheminée est utilisée par le sculpteur pour laisser un orifice en haut du triangle. Ce détail, pour moi, donne une nouvelle signification au triangle ne serait-ce pas plutôt un phallus avec son méat.

Le sculpteur aurait donc réuni en une seule sculpture les deux sexes ! Belle performance ! D’où Méat-Triangle qui pourrait aussi glisser vers Méga-Triangle.

Mais de glissade en glissade ne risque-t-on pas de filer la métaphore un peu loin ?

Mauresk

"j'ai un(e) chat(te) dans la gorge"

« J’ai un(e) chat(te) dans la gorge » de Lili Sanchez. Huile sur toile, 30X46, 2010.

Lili Sanchez m’a longuement parlé de cette toile comme d’un tableau décisif dans sa vie de peintre. Pour elle, il s’agit d’un tournant dans sa peinture.

Le tableau est d’une très belle facture d’exécution. La peinture, du fait de l’utilisation d’une épaisse couche d’huile, au couteau, se présente un peu comme un bas-relief, tant la matière y est sculptée. Le tableau lui-même, représente le cou d’une jeune fille dans lequel grimpe un chat. La tête de la jeune fille n’est pas entièrement visible et le buste est coupé juste au-dessus des seins.

Centré sur le cou et l’animal (qui semble en arrêt et regarde l’assistance ou le peintre), la toile représente la douleur pour la jeune fille qui supporte cette intrusion dans son cou et donc dans sa vie. Le chat grimpe dans l’œsophage et la jeune fille déglutit une salive qui semble impossible à retenir. Le chat ne se rend pas compte de là où il est. Et la jeune fille, dont on ne perçoit que le bas du visage, semble elle-même ignorer le mal qui la ronge.

L’innocence du chat est à mettre en parallèle avec les ravages qu’il cause dans la chair même de la jeune fille. La douleur s’étend à tout le buste et remonte le long des amygdales jusqu’aux oreilles de la malade. Sur ou sous la peau, la matière est indistincte mais s’organise autour de rouges et de bruns qui évoquent l’intrusion des outils chirurgicaux ou une nécrose. La mort rode.

Mais l’un et l’autre ignorent les causes de l’effroi qu’ils subissent ou causent. Si ce n’est par le troisième acteur de la scène qu’est le peintre. C’est l’intérêt manifesté par le peintre pour la situation qui pourrait permettre de solutionner le problème.

Le peintre, seul exorciste de la douleur humaine ? Peut-être faudrait-il changer le titre du tableau.

Mauresk.

Manet : peindre ou dépeindre ?

Manet : peindre ou dépeindre ?

Le musée d’Orsay a saisi l’occasion de l’exposition Manet pour nous montrer l’environnement pictural dans lequel Manet s’est déployé au milieu du XIXème siècle. Et c’est le principal mérite de cette exposition.

Découvrir la modernité de Thomas Couture, son maître, admirer le portrait original de Baudelaire jeune par Emile Demy, les dessins de Baudelaire lui-même (assez bon dessinateur ma foi), « Petra Camara » de Théodore Chassériau, tout ceci à de quoi réjouir le spectateur.

Côté Manet lui-même, il est aussi plaisant de s’affronter à des toiles peu ou pas connues parce que la plupart aux Etats-Unis ou à l’étranger ou aux eaux-fortes qui sont souvent de grande qualité ; il est d’ailleurs regrettable que des annonces faites sur le panneau introductif de l’exposition ne figurent pas dans l’exposition comme les illustrations par Manet du Corbeau d’Edgar Allan Poe traduit par Mallarmé ou de « L’après-midi d’un faune » du même Mallarmé.

Les débuts de portraitiste de Manet sont plutôt prometteurs et il donne son meilleur dans les toiles vite brossées (portrait de Victorine Maurent, 1862, Boston, « la négresse », 1861, Turin collection Agnelli, ou « étude de baigneuse », 1861, Oslo, « la maîtresse de Baudelaire », 1861, Budapest).

La vacuité du détail donnent à ces toiles une modernité picturale (Les Bulles de savon, 1867, Lisbonne, la table devant « Angelina », 1865). On sent que Manet, est un peintre pressé ; il aime se promener, tout voir, tout connaître et jouir sans doute un maximum de la vie.

Il est aux courses, aux corridas, dans la rue ; il peint les femmes avec un bonheur cependant inégal ; elles sont plus dans leur jus quand il les aime, les palpe, les dorlote…Et évidemment la série des Berte Morisot présentée ici est certainement ce qu’il a fait de meilleur : violettes, voilette, éventail…Berte se révèle et le révèle !

En revanche ses « coups », happenings avant la lettre, ne nous convainquent pas toujours d’un point de vue pictural. Faut-il reprocher aux jurys du Salon d’avoir refusé « le fifre », « Olympia », « le Christ moqué par les soldats ». ..Son odalisque a quelque-chose de frigide et son Christ est un peu replet… Même, « Le déjeuner sur l’herbe », laisse à désirer sur le plan pictural

Pour le happening proprement dit, c’est autre chose…certainement Manet voulait d’abord faire passer des idées : mettre en cause un ordre social, des valeurs bourgeoises… mais la peinture y gagne-t-elle quelque-chose ? C’est vraiment avec Manet que cette question émerge et ne va plus quitter les chevalets…Faut-il peindre ou dépeindre ?

La manière dont « le peintre du chat noir » y répond est d’ailleurs déconcertante. Manet peint-il quand il dépeint et ne dépeint-il pas quand il peint ? Au point qu’il est difficile de dire que Manet ait fait de la bonne peinture.

A mesure que Manet vieillit, sa peinture se transforme mais dans un sens qui ne convainc pas. Il rate l’Impressionnisme bien qu’il en ait été le promoteur. « La partie de croquet », 1874 ou les bords de Seine d’Argenteuil relèvent plus du pastiche que de la sincère allégeance au nouveau courant.

Il est moins didactique et devient un demi-mondain de la peinture. Ses portraits manquent leur cible sauf exceptionnellement quand il met en œuvre sa propre sensualité dans « La Blonde aux seins nus » ou, proprement cabotins comme le « Faure dans le rôle d’Hamlet », 1877.

Au point que c’est la peinture « alimentaire » de Manet qui nous séduit le plus : « citron », « asperge », « pivoines coupées » ou dans un piédouche : alimentaire donc bonne !

Mauresk