DEGAS
A mis longtemps pour émerger, se faire un nom, vendre. Il lui a fallu se débarrasser de ses oripeaux, de l’académisme, l’héritage d’Ingres, le beau dessin, les beaux-arts…Pour avancer, il lui a fallu innover dans les techniques, remettre en question les acquis ou prolonger des savoirs et des savoir-faire qu’il avait amorcés.
Sa curiosité aussi a fait la différence, a fini par payer : découvrir le nouveau Paris qui s’ébauchait sous ses yeux, des bas-fonds, des maisons closes, un environnement bouleversé par la modernisation avec son lot de marginaux.
Aussi sa mue n’est pas que graphique, technique, elle est aussi dans ses représentations de la société de son temps et les étonnements qu’elle provoque chez ses contemporains mais aussi chez lui-même.
Sur le plan pictural, Degas au départ formé à l’école classique pratique un dessin épuré, une ligne continue entoure ses motifs et ses formes, une ligne assurée ou la plus assurée possible.
Il passe progressivement à un dessin plus haché, plus brutal. Il s’aide pour cela de nouvelles pratiques comme le monotype qui l’amènent à essuyer, gratter, éponger, laver ses peintures ou ses encres.
Il est aussi un innovateur dans la couleur, n’hésite pas à les faire jurer comme ses verts crus de courses de chevaux ou des jaunes, des roses qui précèdent la mode fluo. Il mélange ses huiles avec de l’essence pour donner un ton plus mat à ses peintures comme on le voit en 1861 dans la « Guerre au Moyen-âge ».
« Ses petites paysannes se baignant dans la mer vers le soir… »(1867-1875 ?) sont un condensé de tout ça : grattage, frottage, essuyage, polissage…elles font immanquablement penser qui plus est à « Impression Soleil Levant » de Monet mais en mieux, plus intéressantes, plus avant-gardistes…
Mais le succès de Degas vient de ses thématiques quand à partir de 1886, à cinquante-deux ans, il s’expose à la Galerie Durand-Ruel par une « Suite de nus… » ou « nues » ( ?) disons nu€s…
La femme prise dans toutes les positions au bordel mais surtout au bain, un corps non pas « exposé » comme l’écrivent les commissaires de l’exposition mais plutôt « essuyé » dans tous les sens que pouvait donner Degas à ce mot quand il peignait ou dessinait.
Cette obsession pour l’essuyage de la femme à la sortie de quelque-chose et surtout du bain, nécessiterait une analyse à soi tout seul. Au point que nous pouvons nous demander si Degas ne se perd pas dans la répétition de ce motif.
Le plus drôle est certainement le tableau « Nu s’essuyant » du musée de Philadelphie (1899), qui clôt l’exposition du Musée d’Orsay. Pour s’essuyer le nu(e) là fait de telles contorsions qu’on se demande s’il ne s’agit pas plutôt de racler un parquet que d’essuyer un corps. Mauresk.