mardi 12 juin 2012

DEGAS

DEGAS
A mis longtemps pour émerger, se faire un nom, vendre. Il lui a fallu se débarrasser de ses oripeaux, de l’académisme, l’héritage d’Ingres, le beau dessin, les beaux-arts…Pour avancer, il lui a fallu innover dans les techniques, remettre en question les acquis ou prolonger des savoirs et des savoir-faire qu’il avait amorcés.
Sa curiosité aussi a fait la différence, a fini par payer : découvrir le nouveau Paris qui s’ébauchait sous ses yeux, des bas-fonds, des maisons closes, un environnement bouleversé par la modernisation avec son lot de marginaux.
Aussi sa mue n’est pas que graphique, technique, elle est aussi dans ses représentations de la société de son temps et les étonnements qu’elle provoque chez ses contemporains mais aussi chez lui-même.
Sur le plan pictural, Degas au départ formé à l’école classique pratique un dessin épuré, une ligne continue entoure ses motifs et ses formes, une ligne assurée ou la plus assurée possible.
Il passe progressivement à un dessin plus haché, plus brutal. Il s’aide pour cela de nouvelles pratiques comme le monotype qui l’amènent à essuyer, gratter, éponger, laver ses peintures ou ses encres.
Il est aussi un innovateur dans la couleur, n’hésite pas à les faire jurer comme ses verts crus de courses de chevaux ou des jaunes, des roses qui précèdent la mode fluo. Il mélange ses huiles avec de l’essence pour donner un ton plus mat à ses peintures comme on le voit en 1861 dans la « Guerre au Moyen-âge ».
« Ses petites paysannes se baignant dans la mer vers le soir… »(1867-1875 ?) sont un condensé de tout ça : grattage, frottage, essuyage, polissage…elles font immanquablement penser qui plus est à « Impression Soleil Levant » de Monet mais en mieux, plus intéressantes, plus avant-gardistes…
Mais le succès de Degas vient de ses thématiques quand à partir de 1886, à cinquante-deux ans, il s’expose à la Galerie Durand-Ruel par une « Suite de nus… » ou « nues » ( ?) disons nu€s…
La femme prise dans toutes les positions au bordel mais surtout au bain, un corps non pas « exposé » comme l’écrivent les commissaires de l’exposition mais plutôt « essuyé » dans tous les sens que pouvait donner Degas à ce mot quand il peignait ou dessinait.
Cette obsession pour l’essuyage de la femme à la sortie de quelque-chose et surtout du bain, nécessiterait une analyse à soi tout seul. Au point que nous pouvons nous demander si Degas ne se perd pas dans la répétition de ce motif.
Le plus drôle est certainement le tableau « Nu s’essuyant » du musée de Philadelphie (1899), qui clôt  l’exposition du Musée d’Orsay. Pour s’essuyer le nu(e) là fait de telles contorsions qu’on se demande s’il ne s’agit pas plutôt de racler un parquet que d’essuyer un corps. Mauresk.

jeudi 7 juin 2012

Le Sphinx.

Le Sphinx.

Ils l'appellent "Le Labyrinthe des Pensées" mais il apparaît plutôt dans cette cour d'école des Ateliers Beaux-Arts de la Ville de Paris comme un Sphinx.
Sorti des sables ou du béton parisien ? C'est difficile à savoir et puis tous ces petits pseudos drapeaux tibétains pourraient nous faire penser à un monument venu d'ailleurs d'un autre monde, du toit du monde.
Cette impression multiple est renforcée par le caractère polymorphe de la face à laquelle nous faisons face (justement) en arrivant : est-ce un visage de femme, ou d'homme, une Indienne disent certains ou un Bouddha, voire un Chaman avec sa mâchoire édentée,  ses yeux exorbités...en tous les cas un personnage étrange auquel on prêterait bien des dispositions divinatoires. Serait-ce un hommage à Delphes et à Apollon, à la Nouvelle Pythie des Montparnassiens ?
Devant, tel un écoulement sacré, une langue pendante s'étale à nos pieds, sorti de la bouche un conglomérat d'objets hétéroclites : on y reconnaît une bouteille de whisky, le reste d'une roue (de la fortune ?), un aftershave sous pression, une bouée de Yacht, des milliers de petits morceaux de plastique multicolores et scintillants parce que délavés par la mer, le tout mélangé avec des posidonies plantes sous-marines qu'on ne trouve qu'en Méditerranée et qui constituent un marqueur de la pollution en mer.
Une multitude de restes d'une civilisation non pas perdue car c'est la nôtre ! La première civilisation dont on retrouve les restes archéologiques avant même qu'ils n'aient été ensevelis. En fait, une civilisation qui n'arrive plus à digérer ses déchets, ses excréments et qui nous les livre jetés par les flots sur les plages ou les rochers.
A côté les artistes ont mis en bouteille en plastique, des petits galets blancs, comme pour mettre au musée ce qu'ils ont pu sauver de l'écosystème en voie d'explosion : est-ce que ce sont les petits cailloux blancs du Petit Poucet, est-ce qu’ils ont pour mission de nous faire retrouver le bon chemin?   
Mais le Labyrinthe des Pensées n’a pas encore livré tous ses secrets, et nous devinons déjà que derrière la face, la façade, il y a autre chose. Un envers du décor donc ! Car le front est éclaté et du crâne émergent des objets, des cylindres, des spirales, des œuvres d’art, des peintures, des traces, des hiéroglyphes ou des peintures rupestres ?
Qu’est-ce-donc que ce Labyrinthe ? Les restes de celui de Crête, l’antre du combat du Minotaure avec Thésée : y-a-t-il un fil d’Ariane pour nous guider ?   
Il y a quelques jours, la tempête a soufflé dans la cour et le Labyrinthe a connu le naufrage : dépouillé, délesté de ses oripeaux…il est parti à la dérive…il n’en était pas moins beau…il anticipait seulement de quelques jours ce qu’il finira par être comme tout Cheval de Troie, un objet de conquête mais la prémonition aussi du désastre à venir…
                   Mauresk