À Table
Le Christ est nu les apôtres aussi un calicot blanc pour
cacher leurs parties ils sont musclés et pendant la cène le Christ semble taper
du poing sur la table Judas ressemble au prince Harry il tâte les seins d’une
femme et la foule des philistins regarde la scène comme des esprits sortis de
la nuit
Là sans doute ? une tête de St-JB sculptée en terre mongoloïde
un mascaron d’esclave dont Salomé a demandé la tête à Hérode son père Elle est
posée sur un plateau dans un papier
transparent de bouquet de fleurs Derrière une raie sourit dans un tableau
pastiche de la raie de Chardin un poisson vivant semble se précipiter vers elle
entrouverte (F.H.S.)
Des poissons il y en a à foison tête tranchée dents de la mer ou en entier en peau de poisson
séchée collée sur un papier-vague (M.Charuel) ou en plomb
pendu ou enroulé sur lui-même (V. Dutron) les mets et entremets s’entrelacent
dans l’exposition À Table
On trouve des sacs de pommes de terre comme on en voit plus
Des choux en paraffine mais aussi des
salades de toutes sortes un homard sculpté en bois roulé aux pinces dignes des Vingt
mille lieues sous les mers (M. Charuel) ou peintures sur papier kraft de légumes variés ou avariés
Il y a à manger mais aussi à boire les flacons fillettes bouteilles
magnums abondent mais aussi carafons bouteilles géantes en muselières de
bouchon de champagne (Suzanna) ou en papier de soie enserrée dans un étui en
zinc (V. Dutron) ou tesson de bouteille finement ciselé avec un liseré de plomb
complété de rubis enchâssés comme si le vin s’était figé en s’écoulant par la
brisure du flacon (M. Laurent)
Michel Laurent complète sa vision de la table avec peintures
collages et mosaïques où la bouteille et le flacon sont surplombés ou soulignés
par une femme laissant voir ses atours Ses montages laissent voir la complexité
d’un monde dans lequel les choses ne sont jamais figées quand elles sont
confrontées au vivant
La table vit aussi avec la sculpture en plâtre repoussé d’une
nappe livrée au souffle du vent sur laquelle est servi un couvert fantomatique
(L. Guimier) le socle composé d’une caisse en bois et d’une potence-liseuse en
fer forgé rajoute un kitsch indéfinissable à cette table suspendue par du fil
de pêche
Peut-on manger dans ces conditions et quoi manger dans ce
monde frêle où la modernité renforce la fragilité de l’humanité si bien que la
nature morte de F.H.S. composée d’un établi d’un compotier de pommes pourries
de Vico de bouteilles vides et d’un poisson en bois flotté tenant un trognon
entre ses dents le tout posé sur une nappe immaculée est un pied-de-nez à toutes les natures
mortes appétissantes « au compotier »
Sur la table on mange mais aussi on joue aux cartes aux dés
et en ce jour de Rameau le jeu de dés est de rigueur la police féminine modernité
oblige montée ou démontée attend de pouvoir procéder aux arrestations la
soldatesque est prête et affiche « police » au-dessus de ses seins
rebondis
à table on tire la gueule (Lebelle Ribourg F.H.S.) les
poissons ont l’air en carton-pâte est-ce
bien à table sur la table que tout se passe ou en dessous de table on fait du
pied ou se donne des coups de pied caresse mais aussi gueule-de-bois après un
repas trop arrosé et les chants des poivrots montent dans la nuit
Dans l’embrasure de la porte des cuisines un couple se donne
un long baiser qui n’en finit pas sur la toile colorée le frais de la mer les
voiles d’un bateau ou le bond d’un jaguar côtoient la cuisinière et les
casseroles de cuivre il y a du Brassens dans l’air
Buvons encore un coup dans ces verres moulés en soie suspendus légèrement dans une toile de gaze (V. Dutron)
Exposition à table 28-29 mars 2015 Atelier F.H.S. 6 rue
Lafontaine, Antony.
Mauresk