samedi 21 décembre 2013

LE SOURIRE DE JAYAVARMAN



Le sourire de JAYAVARMAN.

Il fit bâtir les temples d'Angkor. Et l'explorateur Delaporte en découvrit plusieurs représentations durant son séjour au Cambodge.
Le sourire du roi Jayavarman  est très semblable à celui des Bodhisattvas Lekesvara. Un sourire qui renvoie à une quiétude intérieure. Celle qu'il a voulu consacrer en construisant un immense sanctuaire.
Ces sourires on les retrouve partout à Angkor. Sur les tours géantes aux quatre faces éclairées d’un sourire doux et d’un regard attentif et compatissant. Sur les statues des Dieux, ces Bouddhas, ces Bodhisattvas.
Il irradie.
Tout interroge sur l’étendue, la magnificence, le déploiement de virtuosité des artistes sculpteurs qui ont accompli cette tache. Comme chaque fois que l’Occident est confronté à plus grand, plus beau, plus fort, il reste dans l’incompréhension.
D’autant que cette civilisation s’est éteinte, a brûlé ou abandonné ce qu’elle avait bâti, construit, honoré. Qu’elle a laissé à la nature le soin de recouvrir ce que des dizaines d’années d’élaboration avait permis de faire surgir de la jungle.
Quand on connaît le peu de soin auquel le peuple qui en a hérité, a pris à entretenir seulement la mémoire de cette civilisation, on ne peut que se poser la question : « pourquoi ? »
Pourquoi construire et puis abandonner ? Pourquoi échafauder pour finalement  laisser s’effondrer ? Pourquoi tant d’efforts pour si peu conserver ?
Le Bouddhisme a sa réponse. Tout est en mouvement. L’eau ne coule jamais dans le même fleuve. Tout est impermanent.
Mais est-ce que la réponse ne serait pas dans les structures, l’économie, les rapports de force, la violence de l’argent, du désir et de la frustration.
Quand les Dieux se mettent en colère, les femmes en furie, les hommes prennent l’épée et derrière une musculature ou une armure affrontent le pire, courent à leur destin.
Derrière le sourire de Jayavarma que faut-il voir ? Un masque d’une réalité à sublimer ? Une représentation de ce que l’on voudrait qui soit ? Ou ce qui est ?
Roi-Dieu, représentation de Shiva, il partage avec Shiva le même symbole le lingam phallique.
Ce que nous dit l’Histoire, c’est que ce roi bâtisseur a été assassiné pour d’obscures raisons.
                                                                                                                                       Mauresk

jeudi 19 décembre 2013

Il faut que j'écrive.



Il faut que j’écrive.
Braque : « le peintre n’a jamais fini d’épuiser ses rêves ».
Le peintre les rêves c’est évident. Epuiser non on ne peut pas de toute manière épuiser ses rêves.  Ils vont ils viennent jamais les mêmes et on ne les reconnaît pas.
Alors la peinture serait la transcription des rêves. Oui là aussi tout le monde est d’accord. C’est évident.
Expression de ce qu’on ne peut exprimer avec des mots. Métaphore. La peinture alors évidemment se personnalise. Se fait l’intermédiaire entre le rêve et la réalité.
Du coup toute peinture est un trésor de l’humanité. De tout ce qui est humain. De tout ce qui métaphorise. Or l’homme seul serait capable de métaphoriser.
La mort d’abord. Le tombeau oui est une métaphorisation de la mort du mort. Comme la mise en scène et tous les arts. Sont des métaphorisations d’une vie d’un espace-temps de relations entre les êtres.
Alors l’écrit aussi. Métaphorisons symbolisons une impression un effroi un amour déçu à naître ou à disparaître.
Peut-être est-il possible alors d’avoir une autre lecture de l’exposition consacrée à Braque mais peut-être aussi à tous les peintres les sculpteurs les peintres sculpteurs.
Cette jeunesse de peintre cette genèse de peintre la copie et la recopie des maîtres et de leurs successeurs les genres le paysage le portrait le nu (pas trop chez lui) le textile qui habille toutes ses toiles au point d’inventer le colla-gel  pour cacher quoi me direz-vous.
D’Homme-Massif de compagnon d’Apollinaire ou autres Poilus suicidés au Front de cette Hécatombe patriotique dont il ressort vivant que garde-t-il un froc un foc un textile vous dis-je. Il devient longiligne notre Gatsby s’intellectualise Patricia Hirst avant l’heure ou plutôt Smith.
Du roc il faut sortir une construction nouvelle le cubisme c’est ça pas cette entourloupe ennuyeuse que les musées ont organisée. C’est du Cézanne prolongé dans le temps. Un Hommage aux Maîtres qui ont su sortir du train-train imposé par l’Académie. Rock and Roll vous avez tous compris.
Les rochers de la Sainte-Victoire ou de la Sainte-Baume. Il faut y aller voir le fort et le faible.  La face la pile et le face-à-face. C’est pourquoi il roule vers Etretat dans sa Torpédo dévale Montmartre et rejoint avant l’heure Belmondo à l’Estaque.
A-t-il fait un tour à Pont-Aven Varangéville c’est lui. Alors on peut délire tremens Baroque et Rococo néo tout toutou tohu-bohu.
Les merles sifflent moqueurs et dévalent les pentes du Parthénon comme au Louvre pendant la Guerre Froide. Belzebuths  missiles d’Est en Ouest menaçants.
La salle à manger danse et les billards aussi on sculpte la peinture on peint la sculpture. Pourquoi pas.
Tout est permis et il n’est plus seulement question de dessiner mais de peindre mon ami c’est-à-dire de tout lâcher.
Les roses les rouges les verts le jaune et le poisson rouge vert ou jaune le ciel décoloré le blanc ranimé te dis-je une ombre devient une transparence un broc un éclair une tache blanche et tout s’anime comme au cirque les clowns et le spectacle.  Voilà c’est BRAQUE. Mauresk.  

jeudi 12 décembre 2013

"I s'prend pas l'chou"!



Guillaume Lebelle , « I s’prend pas l’chou » !
Technique mixte (90.90) 2008.
Avez-vous déjà vu un Lebelle ? Moi ça m’est arrivé il y a un mois. Je connaissais le peintre, pas sa peinture.
Sur le coup, je me suis demandé qui ça pouvait intéresser. Un barbouillage, des taches, des coulures. Du déjà vu, un remake des années cinquante ? La toute fin de l’Art, le degré zéro de la peinture ?
Une peinture fruit du hasard, un grand bazar fait de couleurs éparses, de flux circulants de haut en bas, de gauche à droite et puis par endroit des formes, des figurations, des pointillés, comme des signes.
Et puis, la première référence de l’histoire de l’Art qui me soit venue à l’esprit : CEZANNE ! Rien que ça.  Est-ce l’homophonie ou plutôt l’exophonie Cézanne-Lebelle, la parité du nombre de lettres des deux noms ? Je m’amusais stupidement de constater l’existence dans les deux noms du même nombre de voyelles et de consonnes avec cependant chez Lebelle le redoublement des l. 
Oui, Lebelle, c’est du Cézanne qui a pris de l’altitude, de l’air, les deux ailes qui permettent au peintre et à la peinture du vingt-et-unième siècle de prendre leur envol.  Une émulsion nouvelle résultat du tremblement du liquide céphalo-rachidien qui vibre entre la boîte crânienne et la partie laiteuse du cerveau. Ces petits vibrillements sont la dominante de sa dernière exposition à la Galerie Chartier sur les pentes de la Croix-Rousse à Lyon. 
La toile que j’ai achetée, après moult hésitations, est une montagne Sainte- Victoire sans la Sainte- Victoire, une recomposition lebellienne de la Sainte- Victoire si vous voulez où plus rien ne serait en place.  Il se trouve que j’ai une Sainte-Victoire dans mon bureau et que naturellement j’ai placé mon Lebelle au-dessus de mon Cézanne. L’effet est saisissant !
Beaucoup de blanc, mais pas un blanc d’œuf, ni un blanc de baleine, encore moins un Blanc de Blanc, plutôt un blanc d’Espagne ou un blanc lunaire. Du bleu concentré en tache en certains endroits, le bleu de Cézanne mais là où le peintre provençal organise son bleu pour construire sa montagne, notre Creusois de Paris déconstruit pour densifier l’impression de bleu en certains endroits de la toile. Et puis tout un ensemble de nuances de jaune, de crème, de rose ou de rosé, des verts aussi mais tout ceci avec légèreté, douceur, musicalité. Une symphonie, une sonate, un rondeau, une berceuse ou simplement une chansonnette accompagnant deux amoureux dans un chemin creux.
Sans doute, faudrait-il s’attarder un peu plus sur la comparaison, se demander plus sérieusement si ces correspondances ont la moindre véracité, trouver d’autres similitudes entre d’autres toiles de Lebelle et celles de Cézanne. Mais, là n’est pas mon propos.
Ceci n’est qu’une entrée en matière pour la peinture lebellienne, une mise en bouche, histoire d’attirer votre regard, de vous faire virer de bord, de changer le réglage de vos compas, car Lebelle nous emmène pour un grand voyage.
Nulle prétention chez lui de s’inscrire dans une continuité quelconque même si son histoire personnelle l’a imprégné de culture picturale et  si les maîtres du passé sont constamment des défis pour son œuvre de peintre. La peinture de Lebelle est une peinture bien trempée dans son époque, c’est-à-dire une peinture résultat de l’osmose entre la chair, l’esprit du peintre et son environnement.
Pas de jugement de valeurs, pas de « message » ce qui ne veut pas dire « sans message ». Lebelle fait  un voyage à travers le temps, un temps cosmique et un temps humain. Inversant  l’idée du   « trou noir », c’est dans la lumière que Lebelle place ses étoiles, des constellations aux formes variées, des queues de comètes, des supernovas. Mais ici, pas d’effet « Hubble » ; il ne s’agit pas de rapprocher l’œil de « l’invisible », cette prétention impossible des scientifiques lançant leurs télescopes aux confins du monde stellaire. Bien au contraire, il faut laisser scintiller les étoiles à distance, ne délivrer que des images lointaines d’un monde dont il ne faut surtout pas percer le mystère,  laisser vaquer l’esprit, l’imagination.
Temps humain aussi. Lebelle a intitulé certaines de ses toiles « Lascaux ». C’est donc un temps humain très-très long qu’il évoque et en même temps un temps très-très proche. Un hommage à l’Humanité dont les  seules traces qui nous soient parvenues de son lointain passé sont quelques taches, des maculations, des tampons, griffures, scories, grattages sur des cailloux, des parois, des rochers, des grottes, des ossements. Une pluie de signes et de symboles plus ou moins métaphorisés en décors, animaux, forêts, sources, fleuves et mer voire en personnages, des dessins enfantins.
Une poésie de couleurs, de points discontinus hiératiques, comme des cailloux abandonnés par le Petit Poucet sur le long chemin parcouru par l’Humanité. Une esquisse des sentiments du quotidien signifié par des silhouettes, des objets, un pinceau peut-être, les instruments de l’artisan à l’œuvre. Il nous dit ainsi la préoccupation de la modernité, la psychologie, ce qui a tant travaillé l’art du siècle dernier. Que tout se construit à ce moment fragile de la formation du petit de l’homme.
Pour nous dire que ce qui prime, ce sont tous ces « vibrillements » qui irriguent la surface de notre cerveau, le Peintre est obligé de prendre les grands moyens et de rompre avec tout le proche passé de la peinture, c’est-à-dire toute l’histoire de la peinture depuis les débuts de la chrétienté voire les civilisations gréco-romaines non pour renoncer à Dieu ou aux dieux mais pour nous le, les, faire toucher d’une nouvelle façon.
Dieu, c’est l’homme façonnant son univers pour le meilleur et pour le pire. Dieu c’est Moi. Dieu, c’est Toi. Soyons divins nous dit sa peinture. Et pour cela comme le disait un amateur goûtant son œuvre « voilà un peintre qui n’se prend pas l’chou ! », il y va franco, rompant sans couper le lien, sans dire « oui », sans dire « non ».
C’est cette liberté dans la technique comme dans l’interprétation qui fait sa force. Est-ce le miracle d’une saison ? Un moment d’exception ? Ou le début du commencement, d’un épanouissement, d’une révolution personnelle et peut-être pour la peinture elle-même. Je ne sais. L’époque ne sait plus rien de ce qu’elle peut engendrer. C’est justement avec ces peurs que le peintre tranche. Il nous raconte une nouvelle histoire et il ouvre les portes toutes grandes à ceux qui veulent bien le suivre.
Non pas la fin de l’art mais du Fine Art.

François Mauresk.