Le cuisinier et le plat de viande.
Léonard pour rédiger son Trattato Della Pittura utilise une écriture inversée qui ne peut être réalisée qu’à l’aide d’un miroir. Arcimboldo avec « le cuisinier (ou le plat de viande) » inverse le sens et l’essence des choses (selon qu’on regarde le tableau dans un sens ou dans l’autre). Car tout a un sens ! Et il n’est pas nécessaire d’en rester au sens premier pour dire une chose. Son contraire ne dit-il pas la même ?
Vous croyez que ce que vous avez énoncé est vrai. Mais si vous l’inversez cela reste vrai. C’est l’art du palindrome.
Alors, pourquoi Léonard utilise-t-il plus particulièrement pour la peinture cette écriture inversée ? Est-ce parce que la peinture n’est pas Ecriture ou bien, au contraire, parce qu’elle est d’abord un langage ? Mais inverse des autres. Et qu’elle ne peut donc être élucidée par une première lecture. Que souvent il faut la décrypter.
Dans l’atelier Monge, à Montparnasse, un sculpteur tournicote un fil de fer assez épais (du 1,5 semble-t-il) « comme une corde à sauter » dit-il. Il suggère de jeter un rouleau de fil de fer dans l’espace pour voir ce que cela peut produire. Son voisin propose de prévenir les autres pour éviter les dégâts que cela pourrait occasionner.
Renonçant à ce projet, notre sculpteur lance un bloc de terre en l’air et le regarde s’écraser par terre. Il renouvèle l’expérience plusieurs fois et bien que son expérience ne produise aucun bruit (la terre meuble amortit le son quand elle tombe par terre) son geste attire l’attention.
Les autres sculpteurs donnent leur interprétation de la chose : l’une propose une météorite, une autre une pierre concassée par des forces telluriques ; on n’est pas très loin de l’idée du sculpteur : un diamant et même un diamant noir du fait de la couleur sombre de la terre. Des veines se sont produites dans la masse car des traces de plâtre étaient restées par terre dans l’atelier ce qui donne effectivement un aspect géologique à l’objet.
Le bloc de terre qui était ovoïde au départ (il avait servi à un moulage quelques minutes auparavant) s’est géométrisé. Il présente les faces d’une gemme ou d’un orbe. Il pourrait être translucide mais sous sa forme actuelle il est opaque. Mais en est-on sûr ?
Le sculpteur propose de mettre « la chose » en hauteur pour lui donner plus de relief, la mettre dans l’espace pour valoriser ses formes plastiques. Comme il a joint le geste à la parole, il tient dans sa main le « diamant noir » à bout de bras. Du coup, une sculptrice lui propose de réaliser une main pour tenir l’objet ainsi constitué.
« Il me faut cinq minutes » déclare-t-il. Et, il s’en va au fond de l’atelier chercher un bout de grillage qu’il découpe grossièrement et auquel il fait des franges plus que des doigts. Il revient assemble le tout. Mais tout s’effondre. Le poids du diamant écrase le grillage et finalement (à peine déçu), le sculpteur pose le tout sur une sellette pour « faire sculpture ».
Une sculptrice qui passe devant l’ensemble dit : « C’est pas mal ça ! » en regardant la « main ». « Qu’est-ce que c’est ? » Et sans attendre la réponse de notre sculpteur dit : « on dirait un moulin ! ». « Non, c’est une main qui vise à servir de support pour le « diamant noir » », répond le maître d’œuvre.
C’est à ce moment-là que le propriétaire de l’ovoïde reconnaît son bloc de terre qu’il avait remis dans le bac de l’atelier. Et a cette réflexion : « on dirait un KIRILI !»
« Un KIRILI ? » répète notre sculpteur, visiblement ignorant de la chose. On lui aurait dit un « Kundelitch » que l’effet eût été le même si ce n’est que ce nom est associé à une plaisanterie dans un sketch des « Inconnus »…
« KIRILI ! C’est un sculpteur qui opère de la même façon ». dit le sculpteur de l’Ovoïde. « Il jette ses blocs de pierre pour leur donner leurs formes. C’est ainsi qu’il a conçu le « Monument à Charlie Parker » près des Moulins de Paris » !
Nos sculpteurs restent médusés. Ce vague bout de terre ovoïde qui ne ressemblait à rien (abstrait !) ou presque est passé du statut d’objet extra-terrestre à celui d’œuvre d’art en quelques minutes par le seul échange des mots entre les spectateurs. Ce qui n’était rien est devenu tout.
Quand commence l’Art ? Quand est-ce qu’une œuvre devient "d’Art" ? Est-ce le geste de l’artiste ? Est-ce le regard du spectateur ?
Le bloc de terre va-t-il garder son nouveau statut ou retourner dans le bac de l’atelier Monge ?
Mauresk
F .H.S. : « Le « KIRILI » », Atelier Monge, boulevard du Montparnasse, Paris. Jusqu’à quand ?
samedi 26 novembre 2011
mercredi 23 novembre 2011
Tanguy ou Michaux ?
Tanguy ou Michaux ?
Michaux n’aimait guère les isthmes ou plutôt les ismes comme cubisme, sexisme, surréalisme. Il se disait intra ou extra réaliste. Une recherche en tous les cas qui nécessite des expérimentations…
Et c’est ça qu’il adorait ! Combiner les matériaux, supports et fluides, gouaches et mélanges aqueux pour voir, on ne sait jamais ce que ça va faire… ça n’est pas toujours heureux au sens courant ! Ça tourne souvent au drame ces surprises imprévues.
Peintre simili genres Michaux aimait répéter le motif même s’il n’est jamais le même. Et ses feuilles les plus connues sont des calligraphies chinoises. Elles ne valent pas les Tables de Sian mais elles déroutent toujours le lecteur.
Sous Mescaline Michaux se nous torture. Son délire pourtant ne nous fait pas peur mais nous rappelle des souvenirs quand nous nous laissons porter par l’inaction et jetons par la fenêtre un seau ou deux de purin.
Ça fait splatch! Et tout le monde n’est pas content. S’inscrire ou s’extraire tel est son destin. Dans cerveaux et boyaux il part en quête d’un univers souterrain. Et nous jette à la figure ses cris d’effroi car tout s’excite avec le H ou l’ Héroïne.
Ses Méduses goyesques plus que cris caravagiens se font Chronos et nous tirent dans son royaume des morts. Mais nous résistons au risque de sortir pétrifiés.
Fissures, fentes toutes ses toiles sont des parois ou des foules oppressantes. N’est-ce-pas le même système de défense ?
A côté Tanguy fait œuvre de chérubin. Ses haricots sont des jouets posés au fond de l’eau. N’est-ce pas lui l’inventeur du « mou » dans l’art : les montres molles c’est lui ou Dali ? Et les pianos, les fonds de mer, les déserts limpides.
Tout est déjà chez lui mais personne ne s’en souvient. Mort trop jeune, derrière la surprise la répétition et l’éloignement. Tanguy est toujours loin. Bretagne, Amérique, l’Ouest parisien, rue du Château…il fait campagne.
Il faut dire que ses Cadavres Exquis pratiquent le jouir sans frein. Qui plus est il fait ça en prenant le passant par la main pour faire Œuvre Collective. Devance Guattari avec sa Machine Désirante et son anti-oedipianisme forcené.
Comment s’en sortir ? N’est-ce pas lui finalement le père du surréalisme et Breton le Saint-Père ? Dans cette religion tout est bon disons! Ça se taille au couteau comme un saucisson d’Auvergne. Et ça se détaille comme de la charcutaille le jour de marché à Felletin. Quel festin !
Tanguy clé de Klein ? C’est ce qu’on susurre : vous savez le Happening qui vous grippe les méninges et la Performance qui vous démange le système hémorroïdaire.
C’est bien là que se rejoignent nos zigotos du pinceau : l’esprit de système. C’est sûrement ça. Non. Mauresk
Michaux n’aimait guère les isthmes ou plutôt les ismes comme cubisme, sexisme, surréalisme. Il se disait intra ou extra réaliste. Une recherche en tous les cas qui nécessite des expérimentations…
Et c’est ça qu’il adorait ! Combiner les matériaux, supports et fluides, gouaches et mélanges aqueux pour voir, on ne sait jamais ce que ça va faire… ça n’est pas toujours heureux au sens courant ! Ça tourne souvent au drame ces surprises imprévues.
Peintre simili genres Michaux aimait répéter le motif même s’il n’est jamais le même. Et ses feuilles les plus connues sont des calligraphies chinoises. Elles ne valent pas les Tables de Sian mais elles déroutent toujours le lecteur.
Sous Mescaline Michaux se nous torture. Son délire pourtant ne nous fait pas peur mais nous rappelle des souvenirs quand nous nous laissons porter par l’inaction et jetons par la fenêtre un seau ou deux de purin.
Ça fait splatch! Et tout le monde n’est pas content. S’inscrire ou s’extraire tel est son destin. Dans cerveaux et boyaux il part en quête d’un univers souterrain. Et nous jette à la figure ses cris d’effroi car tout s’excite avec le H ou l’ Héroïne.
Ses Méduses goyesques plus que cris caravagiens se font Chronos et nous tirent dans son royaume des morts. Mais nous résistons au risque de sortir pétrifiés.
Fissures, fentes toutes ses toiles sont des parois ou des foules oppressantes. N’est-ce-pas le même système de défense ?
A côté Tanguy fait œuvre de chérubin. Ses haricots sont des jouets posés au fond de l’eau. N’est-ce pas lui l’inventeur du « mou » dans l’art : les montres molles c’est lui ou Dali ? Et les pianos, les fonds de mer, les déserts limpides.
Tout est déjà chez lui mais personne ne s’en souvient. Mort trop jeune, derrière la surprise la répétition et l’éloignement. Tanguy est toujours loin. Bretagne, Amérique, l’Ouest parisien, rue du Château…il fait campagne.
Il faut dire que ses Cadavres Exquis pratiquent le jouir sans frein. Qui plus est il fait ça en prenant le passant par la main pour faire Œuvre Collective. Devance Guattari avec sa Machine Désirante et son anti-oedipianisme forcené.
Comment s’en sortir ? N’est-ce pas lui finalement le père du surréalisme et Breton le Saint-Père ? Dans cette religion tout est bon disons! Ça se taille au couteau comme un saucisson d’Auvergne. Et ça se détaille comme de la charcutaille le jour de marché à Felletin. Quel festin !
Tanguy clé de Klein ? C’est ce qu’on susurre : vous savez le Happening qui vous grippe les méninges et la Performance qui vous démange le système hémorroïdaire.
C’est bien là que se rejoignent nos zigotos du pinceau : l’esprit de système. C’est sûrement ça. Non. Mauresk
dimanche 6 novembre 2011
Au moins j'aurai laissé un beau cadavre
Au moins j’aurai laissé un beau cadavre de Vincent Macaigne. Théâtre Chaillot.
Tout le monde a le visage de l’innocence dans une tragédie. Depuis Homère, nous savons que seuls les Dieux peuvent changer notre destin. Le metteur en scène, Vincent Macaigne, est-il un Dieu ?
Peut-être ! Car, il s’y entend à manipuler public, acteurs, texte et même Shakespeare.
A peine avons-nous pénétré dans la salle du théâtre Chaillot que, comme au temps du Grand Magic Circus de Jérôme Savary, nous, spectateurs, sommes sommés d’obéir aux injonctions d’un crieur public qui nous hurle de faire du bruit, de monter sur scène, d’applaudir puis finalement de regagner nos places.
Au doigt et à l’œil, qu’il nous conduit Vincent Macaigne dans le ventre de Shakespeare. C’est du théâtre certes mais comme toujours on baigne dans l’entre-deux.
Nos corps, nos esprits flottent entre réalité et fiction, entre conscience et inconscience, entre tragédie et comédie, entre monde des hommes et monde des ténèbres. L’excès fait rire, mais le rire se tord en une grimace inquiétante.
Monde d’eau et de feu, d’amour et de haine, de caresses et de crimes. Macaigne met ses acteurs à nu, les plongent dans de l’eau putride ou n’est-ce pas plutôt le sang qui depuis l’assassinat de Caïn s’écoule en long fleuve entre les hommes.
Le sang du père Hamlet, le sang du nouveau-né Hamlet, le sang menstruel de Gertrude, le sang de Claudius ou d’Apollonius ? Est-il possible d’arrêter la chaîne des crimes ? Mensonges et vilénies, viols et incestes : peut-on revenir au tout début ? Arrêter l’hécatombe ?
Pour tout un chacun, il semble que toute route soit un Golgotha ; tous portent leur croix et comme dans l’Enfer de Dante on se croise sans savoir pourquoi untel est là à tant de temps de distance.
Champ de ruines d’une humanité qui n’a jamais su s’humaniser. Qui préfère manipuler ou se laisser manipuler. Les Dieux regardent sans doute : cyniques et sourds. Mauresk.
Tout le monde a le visage de l’innocence dans une tragédie. Depuis Homère, nous savons que seuls les Dieux peuvent changer notre destin. Le metteur en scène, Vincent Macaigne, est-il un Dieu ?
Peut-être ! Car, il s’y entend à manipuler public, acteurs, texte et même Shakespeare.
A peine avons-nous pénétré dans la salle du théâtre Chaillot que, comme au temps du Grand Magic Circus de Jérôme Savary, nous, spectateurs, sommes sommés d’obéir aux injonctions d’un crieur public qui nous hurle de faire du bruit, de monter sur scène, d’applaudir puis finalement de regagner nos places.
Au doigt et à l’œil, qu’il nous conduit Vincent Macaigne dans le ventre de Shakespeare. C’est du théâtre certes mais comme toujours on baigne dans l’entre-deux.
Nos corps, nos esprits flottent entre réalité et fiction, entre conscience et inconscience, entre tragédie et comédie, entre monde des hommes et monde des ténèbres. L’excès fait rire, mais le rire se tord en une grimace inquiétante.
Monde d’eau et de feu, d’amour et de haine, de caresses et de crimes. Macaigne met ses acteurs à nu, les plongent dans de l’eau putride ou n’est-ce pas plutôt le sang qui depuis l’assassinat de Caïn s’écoule en long fleuve entre les hommes.
Le sang du père Hamlet, le sang du nouveau-né Hamlet, le sang menstruel de Gertrude, le sang de Claudius ou d’Apollonius ? Est-il possible d’arrêter la chaîne des crimes ? Mensonges et vilénies, viols et incestes : peut-on revenir au tout début ? Arrêter l’hécatombe ?
Pour tout un chacun, il semble que toute route soit un Golgotha ; tous portent leur croix et comme dans l’Enfer de Dante on se croise sans savoir pourquoi untel est là à tant de temps de distance.
Champ de ruines d’une humanité qui n’a jamais su s’humaniser. Qui préfère manipuler ou se laisser manipuler. Les Dieux regardent sans doute : cyniques et sourds. Mauresk.
vendredi 4 novembre 2011
Le procès d'Orson Welles
Le Procès d’Orson Welles d’après le roman de Frantz Kafka.
De Procès finalement, il n’y aura pas. Mais un engrenage oui. Dans lequel dès le départ Monsieur Joseph K. s’enfonce. Avec et contre son gré.
De quoi est-il accusé ? il ne sait pas. Est-il coupable ? Ça ne fait aucun doute pour tous.
Le procès n’est donc pas celui de M.K. mais de la société et de la justice.
La société dont tous les représentants sont englués dans un système bureaucratique et irresponsable où chacun saisit les mots de l’autre pour l’entraîner dans un engrenage schizoïde ou paranoïde.
Les policiers qui viennent effectuer l’arrestation de M.K. et qui à aucun moment ne présentent un mandat d’arrêt. Les collègues de bureau qui comme dans un mauvais rêve viennent soutenir l’accusation. Monsieur K. lui-même, qui prend les devants pour conforter un système dont il se sent la proie.
A ce jeu-là les femmes sont au cœur de la perversion. Environnant le pauvre M.K. de toutes les tentations mais en même temps lui fermant toutes les portes de sortie en se faisant plus que les autres les complices du système administratif, judiciaire et bureaucratique.
Procès de la justice aussi. Représentée sur un tableau, nous dit M.K., par une femme aux yeux bandés et les pieds ailés. La justice n’a rien d’immobile et d’inamovible. Elle fluctue au gré des désirs du pouvoir.
Les avocats en sont les complices. Et dans ce rôle, Orson Welles excelle, transformant ses clients en chienchiens pitoyables venant quémander une solution toujours renvoyée aux calendes grecques !
Monsieur K. n’est plus l’objet de la machine désirante (ou peut-être si mais d’une manière pervertie) mais d’une logique qui lui échappe totalement. Mauresk.
Au Champo dans une version rénovée.
De Procès finalement, il n’y aura pas. Mais un engrenage oui. Dans lequel dès le départ Monsieur Joseph K. s’enfonce. Avec et contre son gré.
De quoi est-il accusé ? il ne sait pas. Est-il coupable ? Ça ne fait aucun doute pour tous.
Le procès n’est donc pas celui de M.K. mais de la société et de la justice.
La société dont tous les représentants sont englués dans un système bureaucratique et irresponsable où chacun saisit les mots de l’autre pour l’entraîner dans un engrenage schizoïde ou paranoïde.
Les policiers qui viennent effectuer l’arrestation de M.K. et qui à aucun moment ne présentent un mandat d’arrêt. Les collègues de bureau qui comme dans un mauvais rêve viennent soutenir l’accusation. Monsieur K. lui-même, qui prend les devants pour conforter un système dont il se sent la proie.
A ce jeu-là les femmes sont au cœur de la perversion. Environnant le pauvre M.K. de toutes les tentations mais en même temps lui fermant toutes les portes de sortie en se faisant plus que les autres les complices du système administratif, judiciaire et bureaucratique.
Procès de la justice aussi. Représentée sur un tableau, nous dit M.K., par une femme aux yeux bandés et les pieds ailés. La justice n’a rien d’immobile et d’inamovible. Elle fluctue au gré des désirs du pouvoir.
Les avocats en sont les complices. Et dans ce rôle, Orson Welles excelle, transformant ses clients en chienchiens pitoyables venant quémander une solution toujours renvoyée aux calendes grecques !
Monsieur K. n’est plus l’objet de la machine désirante (ou peut-être si mais d’une manière pervertie) mais d’une logique qui lui échappe totalement. Mauresk.
Au Champo dans une version rénovée.
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