samedi 26 novembre 2011

Le cuisinier et le plat de viande.

Le cuisinier et le plat de viande.

Léonard pour rédiger son Trattato Della Pittura utilise une écriture inversée qui ne peut être réalisée qu’à l’aide d’un miroir. Arcimboldo avec « le cuisinier (ou le plat de viande) » inverse le sens et l’essence des choses (selon qu’on regarde le tableau dans un sens ou dans l’autre). Car tout a un sens ! Et il n’est pas nécessaire d’en rester au sens premier pour dire une chose. Son contraire ne dit-il pas la même ?

Vous croyez que ce que vous avez énoncé est vrai. Mais si vous l’inversez cela reste vrai. C’est l’art du palindrome.

Alors, pourquoi Léonard utilise-t-il plus particulièrement pour la peinture cette écriture inversée ? Est-ce parce que la peinture n’est pas Ecriture ou bien, au contraire, parce qu’elle est d’abord un langage ? Mais inverse des autres. Et qu’elle ne peut donc être élucidée par une première lecture. Que souvent il faut la décrypter.

Dans l’atelier Monge, à Montparnasse, un sculpteur tournicote un fil de fer assez épais (du 1,5 semble-t-il) « comme une corde à sauter » dit-il. Il suggère de jeter un rouleau de fil de fer dans l’espace pour voir ce que cela peut produire. Son voisin propose de prévenir les autres pour éviter les dégâts que cela pourrait occasionner.

Renonçant à ce projet, notre sculpteur lance un bloc de terre en l’air et le regarde s’écraser par terre. Il renouvèle l’expérience plusieurs fois et bien que son expérience ne produise aucun bruit (la terre meuble amortit le son quand elle tombe par terre) son geste attire l’attention.

Les autres sculpteurs donnent leur interprétation de la chose : l’une propose une météorite, une autre une pierre concassée par des forces telluriques ; on n’est pas très loin de l’idée du sculpteur : un diamant et même un diamant noir du fait de la couleur sombre de la terre. Des veines se sont produites dans la masse car des traces de plâtre étaient restées par terre dans l’atelier ce qui donne effectivement un aspect géologique à l’objet.

Le bloc de terre qui était ovoïde au départ (il avait servi à un moulage quelques minutes auparavant) s’est géométrisé. Il présente les faces d’une gemme ou d’un orbe. Il pourrait être translucide mais sous sa forme actuelle il est opaque. Mais en est-on sûr ?

Le sculpteur propose de mettre « la chose » en hauteur pour lui donner plus de relief, la mettre dans l’espace pour valoriser ses formes plastiques. Comme il a joint le geste à la parole, il tient dans sa main le « diamant noir » à bout de bras. Du coup, une sculptrice lui propose de réaliser une main pour tenir l’objet ainsi constitué.

« Il me faut cinq minutes » déclare-t-il. Et, il s’en va au fond de l’atelier chercher un bout de grillage qu’il découpe grossièrement et auquel il fait des franges plus que des doigts. Il revient assemble le tout. Mais tout s’effondre. Le poids du diamant écrase le grillage et finalement (à peine déçu), le sculpteur pose le tout sur une sellette pour « faire sculpture ».

Une sculptrice qui passe devant l’ensemble dit : « C’est pas mal ça ! » en regardant la « main ». « Qu’est-ce que c’est ? » Et sans attendre la réponse de notre sculpteur dit : « on dirait un moulin ! ». « Non, c’est une main qui vise à servir de support pour le « diamant noir » », répond le maître d’œuvre.

C’est à ce moment-là que le propriétaire de l’ovoïde reconnaît son bloc de terre qu’il avait remis dans le bac de l’atelier. Et a cette réflexion : « on dirait un KIRILI !»
« Un KIRILI ? » répète notre sculpteur, visiblement ignorant de la chose. On lui aurait dit un « Kundelitch » que l’effet eût été le même si ce n’est que ce nom est associé à une plaisanterie dans un sketch des « Inconnus »…

« KIRILI ! C’est un sculpteur qui opère de la même façon ». dit le sculpteur de l’Ovoïde. « Il jette ses blocs de pierre pour leur donner leurs formes. C’est ainsi qu’il a conçu le « Monument à Charlie Parker » près des Moulins de Paris » !

Nos sculpteurs restent médusés. Ce vague bout de terre ovoïde qui ne ressemblait à rien (abstrait !) ou presque est passé du statut d’objet extra-terrestre à celui d’œuvre d’art en quelques minutes par le seul échange des mots entre les spectateurs. Ce qui n’était rien est devenu tout.

Quand commence l’Art ? Quand est-ce qu’une œuvre devient "d’Art" ? Est-ce le geste de l’artiste ? Est-ce le regard du spectateur ?

Le bloc de terre va-t-il garder son nouveau statut ou retourner dans le bac de l’atelier Monge ?
Mauresk

F .H.S. : « Le « KIRILI » », Atelier Monge, boulevard du Montparnasse, Paris. Jusqu’à quand ?

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