dimanche 26 septembre 2010

La Cerisaie (au deux sens du mot).

Monet a-t-il peint des cerisaies ? Sûrement ! Des cerisaies en fleurs : un océan de fleurs comme il peint les coquelicots ou l’écume des vagues à Port Coton. Monet nous parle-t-il de nostalgie lorsqu’il peint un paysage ? Ou arrête-t-il le temps et son âme pour nous donner à voir un moment ineffable qui ne se reproduira plus.

Car au temps de la photographie, il n’y a pas de reproduction possible de la lumière qui passe. Elle passe comme la fragrance d’un parfum, comme le regard d’une femme, comme le désir entre deux amoureux, comme un sourire, une attitude, un être qui nous est cher et qu’il nous sera impossible de saisir, de garder pour soi.

L’impermanence des choses, c’est ce que nous raconte Monet, le paysagiste. Car, si le paysage pourrait avoir quelque-chose d’immuable dans sa composition, son ordonnancement, sa position, le temps, au deux sens du mot (le temps qui passe et le temps qu’il fait), aura tôt fait de lui donner une nouvelle forme, un nouvel air, une nouvelle atmosphère (au deux sens des mots…).

Est-ce la même histoire que nous raconte Tchékhov, le contemporain de Monet ? Que nous peint-il, notre dramaturge russe ? S’agit-il d’un bouquet de fleurs, du chatoiement des peaux, d’un déjeuner sur l’herbe ou plutôt du temps qui passe, de l’impossibilité d’être, de l’être qui ne peut pas ne pas être ?

Tchékhov nous raconte une cerisaie : une terre, des arbres qui nous parlent comme des ombres sorties des ténèbres. Ils nous raconte, les cerisiers, le temps passé, les temps heureux ou moins heureux, des souvenirs qui ne peuvent que tourner dans nos têtes, qui ne peuvent être que ressassés.

Les personnages arrivent en groupe dans la propriété de Lioubov Anndéevna Ranevskaïa. Ils arrivent de Paris, de Karkhov ou de Moscou. Lioubov est la propriétaire de la cerisaie. Les autres sont frère Leonid, filles Ania et Varia, gouvernante Charlotta, femme de chambre, valet Yacha, comptable de Lioubov. Mais aussi un étudiant Piotr Serguéevitch Trofimov , un marchand Ermolaî Alexéevitch Lopakhine, un spéculateur de domaines Boris Borissovitch Epikhonov.

C’est le dernier été de la Cerisaie. Bientôt la hache frappera sourdement le tronc des arbres vénérables. Personne n’y croit, en dehors des matérialistes capitalistes Lopakhine et Epikhonov. Lopakhine essaie de convaincre Lioubov de lotir, de partager la cerisaie en lopins pour construire des datchas. Avec le développement du tourisme, tout ça rapportera une rente. Des roubles, encore des roubles…

Couper la cerisaie ? Est-ce possible ? Est-ce pensable ? A quel monde appartient-il ? A quel monde appartiennent-ils ? Pour, ne serait-ce que songer, à diviser, exterminer, faire disparaître « à la bougie » un souvenir, une idée, un sentiment ?

Car, c’est de cela qu’il s’agit ? De l’âme de tous ces personnages qui se côtoient, qui échangent entre eux, qui expriment leurs désirs, qui vivent…mais, aussi, qui évoluent chacun pour soi, avec ses rêves, ses fantasmes, ses incapacités à sortir du monde qui les a fait naître et leur a, du même coup forgé un destin.

Peuvent-ils lutter ? Peuvent-ils agir ? Mais le faut-il ? Semblent-ils tous dire, au risque de subir une déchéance fatale…Vendre la cerisaie ? C’est vendre une âme. Ceux qui l’achètent s’essaient à en acquérir une. Ils ont vue la brillance et s’achètent une histoire.

« Êtes-vous capable de tomber ? » dit Lioubov à Yacha, l’étudiant. « Il faut savoir tomber amoureux ». Toute La Cerisaie est dans cette réplique. Car Lioubov est amour depuis toujours. Lioubov ne signifie-t-il pas « Amour » en russe ?

Lioubov accepte tout. De son amant « qui vous a dépouillée », de ses filles dont elle veut faire le bonheur, de « ses gens » auxquels elle prodigue l’argent qu’elle n’a plus « en rentrant je vais te donner l’argent qu’il me reste. Ermolaï Alexeïtch , vous m’en prêterez encore !... ».

Lioubov, jouée magnifiquement, dans la mise en scène de Julie Brochen, par Jeanne Balibar !

Mais aucun personnage ne peut sortir de ce qu’il est. « Je n’ai pas envie d’être beau » dit Pétia (Trefimov), l’étudiant ! « Nous sommes au-dessus de l’amour. » dit-il à Ania. Et, Ania, fortement éprise de Pétia : « Qu’avez-vous fait de moi, Pétia, pourquoi est-ce que je n’aime plus notre cerisaie comme je l’aimais avant ? ».

La roue tourne ! Et seuls les souvenirs restent. Le 22 août, La cerisaie est vendue « à la bougie ». Et, c’est Lopakhine, le paysan enrichi, le fils de moujik, le Koulak, qui rachète le domaine. Pour le dépecer, construire des datchas, faire de l’argent avec l’argent…Le fils de serf devenu seigneur à force d’accumulation.

Tout le monde s’en va le cœur léger… Gaev, frère de Lioubov : « Avant la vente de la cerisaie, nous étions tous sans dessus dessous, nous avons souffert, et maintenant que la chose est réglée définitivement, tout le mode s’est calmé, nous avons même retrouvé notre bonne humeur… ».

Tout le monde sauf Lioubov. Elle suffoque, elle meurt , elle voudrait retrouver son fils qui s’est noyé enfant dans les eaux de la Volga. Elle coule le long, au fond de La Cerisaie.

Mauresk.

Nuits d’ivresse printanière.

Ce que nous apprennent les films sur l’homosexualité masculine, c’est que l’homosexualité ne peut pas être seulement une histoire d’hommes. Comme si l’homosexualité ne pouvait exister que par rapport à (j’allais dire "son contraire") l’hétérosexualité.

Comme si l’homosexualité n’était qu’une variante de l’hétérosexualité, justement. Et non son contraire. Comme si cette opposition homo /hétéro n’était qu’une construction sociale avec toutes les conséquences psychologiques pour tous, mais aussi macro-sociales.

Peut-être jamais aucun discours n’a mieux que « Nuits d’ivresse printanière » décrit cet état de fait. A travers les amours successives de Wang Ping et Lu Haitao pour Jiang Cheng, le réalisateur Lou Ye nous raconte avant tout une histoire d’amour et de jalousie.

Jalousie de la femme de Wang Ping qui fait suivre son mari par Lu Haitao. Désir de Lu Haitao pour Jiang Cheng quand la découverte du pot aux roses rompt la relation de Wang Ping et Jiang Cheng, conduisant au suicide de Wang Ping.

Désir et Jalousie de Li Jing pour son ami Lu Haitao séduit à son tour par Jiang Cheng. Détresse de la femme de Wang Ping qui pour se venger de la destruction de son foyer essaie d’assassiner Jiang Cheng.

Les sens sont exaltés par le trouble jeté dans la vie de chacun par la révélation de l’ensemble de ces sentiments passionnés. Et si l’homosexualité pimente l’histoire, Lo Ye ne fait pas de la passion cachée d’un homme pour un autre homme le cœur de son film.

Ce qui l’intéresse et ce qui nous intéresse, c’est la tendresse de tous ses personnages. C’est la banalité de leur quotidien et de leur environnement. Les décors sont d’une banalité extrême. Les activités des personnages ceux de la Chine d’aujourd’hui.

L’une est ouvrière du textile dans une usine de contrefaçon ; un autre est libraire, journaliste ou tient une boutique de vêtements. On circule en voiture sur des autoroutes de la Chine moderne. On danse, fume, boit dans les boîtes de nuit où se retrouve la jeunesse chinoise.

En même temps, les scènes sont d’une crudité terrible pour tous les personnages. Un espace, une vie qui ne laisse place qu’à la banalité, est transmué en un univers de fantasmes par la seule force de l’amour que les êtres se portent les uns aux autres, et son revers, la jalousie.

L'amour est clandestin. C'est ce que nous montre Lou Ye. L'ivresse vient de là. Et tous veulent boire la coupe jusqu'à la lie. Mais la clandestinité est difficile à vivre pour tous ceux qui y sont confrontés.

Les scènes d’amour entre hommes sont d’un érotisme inégalé ; mais ce qui nous marque est la formule de tous les amants délaissés, hommes-femmes confondus : « tu me manques ».

Une fleur accompagne le film : la fleur de Lotus. Un thème est revendiqué tout le long du film : l’efflorescence. Et Lou Ye nous rappelle que le poète chinois dit : « Une fleur est l’image du monde ». La femme est fleur mais l’homme aussi.

Mauresk

mercredi 15 septembre 2010

Christian Boltanski : personnes

Au Grand Palais, Boltanski nous propose une performance intitulée « Personnes ». Nommez son travail implique forcément une interprétation. L’intituler « Personnes » n’est donc pas innocent. Au singulier « Personne » renvoie à toute une culture occidentale qui spontanément fait penser à la façon dont Ulysse se nomme dans l’Odyssée quand Polyphème, le Cyclope, lui demande son identité.

Se nommer « personne », c’est une ruse mais c’est aussi une revendication. Ulysse se met ainsi au rang du quidam. Un parmi tant d’autres, un inconnu, et même la négation d’être. Qui est une position dans la société occidentale, celle de l’anonymat. De ne vouloir n’être rien de plus que son voisin tout aussi inconnu. Ce qui est évidemment l’inverse de la revendication médiatique que nous connaissons bien aujourd’hui qui impose aujourd’hui à chacun d’être et de revendiquer une identité.

Au risque de ne pas exister pour les autres mais aussi pour soi-même. Ce qui peut conduire à des comportements anomiques pour être malgré soi. Aussi, Boltanski qui « est » dans l’univers hyper-médiatisé dans lequel nous vivons et qui grâce à cette existence peut mobiliser les institutions, les fonds publics et l’attention des média se propose d’être l’interprète des autres « personnes ».

Car, au pluriel « personnes » ne peut se comprendre sans un article défini ou indéfini. Il n’y a pas « personne » derrière « personnes » mais bien une identification. Quelle est-elle voilà tout le problème.

Si vous entrez dans le Grand Palais sans connaître grand-chose de Boltanski et de ses préoccupations et que du fait de la foule à l’entrée, vous loupez l’entrée en matière que constitue le mur qui sépare l’entrée des visiteurs de la performance proprement dite alors vous avez un champ possible d’interprétations.

C’était mon cas lors de l’inauguration de l’exposition. Et alors vous tombez sur un vaste espace sous la grande verrière divisé en grands rectangles couverts de vêtements étalés avec au fond un cône de très grande hauteur lui-même constitué d’un amas de vêtements qu’une grue surplombe et fait semblant de reconstituer en allant piocher des vêtements dans le cône avec une grande pince qui une fois remontée s’ouvre pour relâcher les vêtements piochés sur le même cône.

Interrogé par France 3 sur mes impressions alors que je n’avais parcouru qu’une petite surface de l’exposition, j’interprétais les rectangles comme des peintures abstraites d’un peintre tachiste, je supposais aussi que le performeur avait peut-être voulu suggérer le problème de la pauvreté, du recyclage des vêtements sans totalement comprendre le propos cependant d’un univers bien sombre, froid, glacial donnant de l’humanité une image plutôt fataliste.

Le contexte de l’ouverture de l’exposition en pleine catastrophe humanitaire en Haïti du fait du tremblement de terre survenu à Port-aux-Princes ne pouvait que souligner la pertinence du propos. Peut-on parler d’espoir en art, peut-on se couper de la réalité sordide de l’humanité confrontée à toutes sortes de calamités depuis la nuit des temps.

Cette lourde ambiance était renforcée par un battement sourd dont les haut-parleurs saturent nos oreilles et que je compris assez rapidement être les battements de cœur des spectateurs enregistrés dans des salles voisines et dont Boltanski veut effectuer une compilation et une mémoire pour nos descendants.

Peu convaincu par la débauche de moyens pour un spectacle aussi sinistre, je cherchais à sortir de la suffocation ainsi obtenue en m’appuyant sur des espaces de liberté que l’artiste voulait bien nous laisser. Mais j’en trouvais peu jusqu’au moment où je me retrouvais à mon point de départ du côté du mur de briques dorées qui barre l’entrée de l’exposition et qui m’a offert un instant de respiration que je mis à profit pour réaliser des photos des briques qui elles voulaient bien laisser mon imagination vagabonder.

Mais cet espace de liberté ne dura qu’un temps contournant le mur je m’aperçus que côté rue le mur n’était qu’un columbarium avec un numéro pour chaque personne répertoriée. Et alors je pris conscience du propos de l’artiste. Des numéros anonymes, un mur des lamentations, un amas de vêtements traités industriellement, nous étions bien dans une commémoration. Les morts, la Mort, l’industrie de la mort, le traitement bureaucratique de l’humanité, la négation de l’individu : les « personnes « étaient « personne » : la Shoa.

Je compris alors le malaise que l’artiste conformément à une tradition désormais séculaire de commémoration des charniers de l’histoire du vingtième siècle avait voulu créer. Avec évidemment l’événement majeur qu’a constitué pour le vingtième siècle l’extermination des «personnes » dans les camps nazis. Pas d’échappée possible nous dit l’artiste face à cet événement. Il ne s’agit donc pas de commémorer la fatalité des catastrophes naturelles, ni des catastrophes sociales, ni des guerres ethniques qui parsèment l’histoire de l’humanité.

Mais cet événement majeur que constitue pour l’histoire l’extermination systématique et volontaire des « personnes » par d’autres « personnes ».

Orphée

Puisque tu le demandes, j’écrirai sur Orphée. Mais qu’écrire sur une chorégraphie ? Un « spectacle total » m’as-tu dit. Alors y a-t-il à redire, à rajouter ? En suis-je capable ? D’autant que cela fait trois semaines déjà que j’ai vu le spectacle et comme je te l’ai dit : « j’ai tout oublié ».

Mais, comme toute demande, surtout venant de toi, est un défi, j’ai tenté de me rappeler mes sensations. Pourquoi j’ai ressenti le besoin de te faire connaître le spectacle. D’ailleurs, tu n’es pas le seul auquel je l’ai conseillé tant j’ai trouvé que tout public pouvait y trouver son compte.

Ce jour-là, je suis arrivé seul à Chaillot directement de mon travail sur la Montagne, et comme il faisait beau, j’ai longé les quais de Seine à pied. Toujours avec mon appareil photo, j’ai pris nombre de photos du fleuve et de l’activité qui s’y produit. J’étais rive gauche. Et donc, avant le spectacle, j’ai vu le spectacle ou plutôt son décor.

J’ai marché longtemps, recueillant sur la plaque numérique de mon appareil les reflets de l’eau, scrutant les bâtiments de la rive droite éclairés par le soleil couchant. J’ai traversé le fleuve, je crois au pont de l’Alma et, au risque de me faire écraser, j’ai franchi la voie rapide qui précède la voie Georges Pompidou face au musée d’art moderne de la ville de Paris, pour filmer les jeunes, et les moins jeunes, en train de surfer sur leurs planches à roulettes à côté de la fontaine.

Quand le spectacle a commencé et que j’ai vu le fond de Seine qui sert de décor au spectacle, j’avais l’impression de ne pas avoir quitté ma rêverie précédente. Elle se prolongeait, mais avec une dimension onirique supplémentaire. Hervieu et Montalvo ont eu une idée excellente de retenir ce choix qui d’un seul coup actualise le mythe d’Orphée et le problématise : « est-il encore possible ? » Ce mythe a-t-il traversé les siècles ? L’humanité est-elle encore capable de rêver ? Orphée, est-ce nous ? est-ce toi ? est-ce moi ? Orphée, vit-il à Paris ?

La Seine est un choix d’autant plus judicieux que l’eau est au cœur de la question orphique : « l’’eau coule de source », est le symbole de la naissance, de l’amour mais aussi du destin contre lequel on ne peut rien dans les mythes de toutes les sociétés et donc, de la mort. On est (naît), on vit (amour), on meurt (enfer) : Amnio, Léthé, Styx.

Pour entrer dans le mythe, Hervieu et Montalvo, nous font plonger dans la Seine. Rien de tel qu’un plongeon, salto arrière, pour nous changer les idées, nous rafraîchir la mémoire. Nos danseurs sont ragaillardis par ce bain de jouvence qui dynamise tout de suite l’histoire de nos amoureux.

L’autre choix qui, à mon avis, a été décisif dans la réussite de ce spectacle dansé, et donc sans parole, où seuls les corps parlent, comme l’enfant avant qu’il n’oralise, c’est d’avoir choisi de faire interpréter Orphée par des personnages correspondants chacun à des moments différents du mythe. Je ne suis pas sûr que cette intuition soit juste, mais je crois que si c’est le cas, elle éclaire les choix des chorégraphes. Orphée, jeune berger, langoureux et tendre. Orphée bondissant, triomphant de son amour partagé. Orphée amputé, disloqué par son amour perdu.

Mais, qui est Orphée ? Orphée : c’est toi, c’est sûr ! D’emblée, je dirais qu’il te ressemble ? Par quoi ? Devine …le charme ! Voilà tout est dit ! Ce qui caractérise Orphée ; c’est qu’il est charmant et charmeur ! Mais cela ne lui a pas apporté que des satisfactions. Car, le charme étant peu répandu, a toujours suscité la jalousie. Et, en ce qui concerne Orphée, les conséquences en ont été fatales.

Hervieu et Montalvo ont totalement respecté la trame du mythe. Ils ne se sont accordés, me semble-t-il, aucune dérogation. Tout ce qu’ils ont appris du mythe, ils ont essayé de le traduire dans leur chorégraphie intitulée : « Orphée ».

Le charme, d’abord. De ce jeune héros qui avec les Argonautes et derrière Jason ont ramené la Toison d’Or. Charmant : oh, combien ! Fils des Dieux, Orphée en a toute la prestance, la beauté physique, l’innocence de celui qui ne se sait pas né Dieu…

Un charme fou qui émane de sa simplicité même, un certain « quant-à-soi », aucune flagornerie ! Et puis, l’équilibre des traits, la vaillance, la souplesse du corps, et surtout la jeunesse. Ah , l’innocente jeunesse : elle lui sourit et il sait l’accueillir.

C’est peut-être lorsqu’Orphée dort, que ce charme déroute le plus. Est-ce ainsi qu’Eurydice le découvrit ? La capacité d’Orphée à se laisser emporter par ses rêves en fait un autre Endymion. Pourtant, ce n’est pas ainsi que la légende relate leur rencontre.

Berger, Orphée joue-t-il du fifre ou de la lyre ? un pipeau, une flûte champêtre ou un théorbe ? Des notes claires, des mélodies sorties pour l’occasion d’une musique de Monteverdi. Une musique-poème qui dit les matins clairs, les douces nuits, les peaux parfumées, des paroles de romance, l’amour réconfortant…et cette musique transforme la nature belliqueuse en eau de source, en baume pour les plaies de la guerre, en onguent délassant.

Ces notes claires dépouillent la férocité de la faune sauvage qu’Hervieu et Montalvo nous montrent s’humanisant. Âne, cheval, zèbre s’assoient sur un banc oubliant leur statut d’êtres à quatre pattes ; ils croisent les jambes, une paille aux lèvres, les yeux rêveurs oubliant le tigre, le lion, la hyène, eux-mêmes devenus des chatons titubants pour leurs premiers pas.

Les pachydermes, les léopards, girafes et autres animaux de la brousse ou de la jungle nagent sous l’eau qui est comme un nouveau Léthé, un liquide amniotique : tous deviennent des nouveau-nés que la logique de défense n’a pas encore atteints. Ils font des bulles et celles-ci, métaphoriquement, symbolisent l’oralité comme dans une bande dessinée, avant d’éclater à la surface.

C’est cette musique, qui un beau jour, séduisit la belle Eurydice. Attirée par la musique, elle découvrit notre joli pâtre, entouré de tous ces fauves transformés en agneaux. Le charme, le charmant, le charmeur…que dire, le coup de foudre, lui devenu fou, elle devenue folle…

« Pas de Deux », rencontre des corps, Orphée embrasse, caresse, porte, déporte Eurydice…amour sans limite, corps à corps endiablé, sensuel. Orphée et Eurydice s’épousent, se mêlent l’un à l’autre, disparaissent l’un dans l’autre ne font plus qu’un : baisers, passion, possession d’un sexe par l’autre.

Orphée est transporté, transformé. De cette rencontre, il est métamorphosé. Il sent lui pousser des ailes que, métaphoriquement, Hervieu et Montalvo ont transformées en échasses à ressort. Et tel un zombi, notre pâtre est devenu un autre homme : il franchit l’espace à la vitesse d’une fusée, au risque de se rompre le cou. Il court, il explose : que ne ferait-il pas pour son aimée ?

Clamer sa joie, crier son amour, dire au monde : « c’est moi qui aime ! », « c’est elle que j’aime », « c’est elle qui m’aime », « un nom, un seul : Eurydice » !

Bonheur des amants, que rien ne pourrait entacher. S’il n’y avait le serpent : symbole du sexe mâle, du péché, de la malfaisance, de la jalousie, du mal…Le serpent, qui assure et assume le rôle du contradicteur, celui qui empêche les choses de tourner rond. A l’ordre des choses, il rappelle le désordre du monde. Le monde n’est pas un : le monde n’est pas fait que d’Orphée et d’Eurydice.

Qu’est donc devenu Orphée ? A-t-il oublié ses amis les bêtes ? Et puis, pourquoi lui ? Pourquoi pas moi ? Tout pour lui, rien pour les autres ? Non, la roue tourne ; le destin n’est pas celui qu’on croit, qu’on rêve, qu’on désire…Des forces insoupçonnées travaillent notre destinée.

Le serpent qui mord Eurydice, est-il le principe de réalité ? Quel est ce benêt qui s’appelle Orphée ? Et qui croit le monde fait pour lui. Pour lui plaire, lui complaire. Est-ce cela le monde ? Un monde d’animaux dociles charmés par une flûte ? Un monde de l’amour laiteux, enfermé dans un cœur fleuri ? Orphée aurait-il confondu le monde avec une quelconque Olympe, un Paradis terrestre, un Eden ?

Mais la mort d’Eurydice : c’est amputer Orphée. Plus jamais Orphée ne pourra jouer de la lyre enchantée. Plus jamais le fleuve nourricier ne pourra assurer la renaissance des êtres. Leur donner une nouvelle vie, les faire passer de la sauvagerie à la concorde ; de la dispute à l’harmonie. Eurydice morte, c’est une amputation insupportable, une injustice incommensurable. Un monde de rêve qui s’écroule.

Pour Orphée, c’est une destinée impossible, qu’il faut conjurer par tous les moyens. Traverser le Styx, approcher le fleuve Léthé, supplier les Dieux, faire intercéder toutes les forces humaines et supra-humaines. Faire ressusciter l’aimée, la dulcinée. Le charme, toujours le charme…Orphée obtient tout des Dieux.

Le voilà en Enfer, dans un brouillard épais cherchant la femme. La ramenant par la main, franchissant une à une toutes les étapes, sentir cette main douce, impossible de se tromper : « Ne pas la regarder, ne pas la regarder, ne pas la regarder ! » Et, pourtant, à l’instant où la clarté du ciel apparaît enfin…où aux ténèbres succède la lumière : Orphée ne peut s’empêcher de se tourner vers son aimée, de soulever le voile de cheveux qui couvre ses yeux.

Est-ce l’amour, le désir irrésistible ou le doute ? Un court instant de doute ? Que se passe-t-il dans la tête d’Orphée à ce moment-là ? Cette main qu’il connaît si bien…cette douceur à nulle autre pareille…cette chaleur que lui seul connaît…est-elle celle d’une autre ? Les Dieux l’auraient-t-ils trompé ? Ou bien, croit-il que rien n’est plus fort que son amour. Qu’il a toujours gagné. Qu’il n’y a pas à douter que la bataille est déjà gagnée.

Pauvres Orphée ! Tous ces Orphée triomphants puis pleurants qu’Hervieu et Montalvo nous ont fait côtoyer. Car, je crois que je me suis trompé plus haut. Il n’y a pas trois Orphée dans la chorégraphie. Tous les danseurs sont des Orphée : des Orphée merveilleux de grâce et de souplesse, merveilleux de candeurs et de talent. Tous ont devant eux une destinée brillante.

Ne sont-ils d’ailleurs pas, solidaires les uns des autres ? Qu’est cet ami qui supporte sur sa jambe valide notre Orphée amputé de son Eurydice ? N’est-il pas lui-même un autre Orphée ? Un unijambiste du cœur ou du foie ? Un amputé du cerveau, un sourd, un aveugle ? Ne sommes-nous pas tous voués à être la béquille d’un autre ?

Alors bel Orphée as-tu joué du Fifre aujourd’hui ?

Mauresk.

Le manifeste des Hyperboréens

C’est Syberberg qui m’a fait changer le titre de ce manifeste pour les temps modernes. Je voulais l’intituler « manifeste du vibrilisme » avec l’idée de faire porter l’accent sur une sensibilité de l’art contemporain en ce début du XXIème siècle.

Vibrilisme, vibrillements, vibrillance que des mots valises ou des mots nouveaux pour désigner dans les arts plastiques, mais aussi en musique, dans la poésie et pourquoi pas dans la littérature, cette dimension revendiquée par les artistes aujourd’hui de faire parler cette partie infra-cérébrale de nos sensations. Ce qui m’a fait écrire un jour qu’il s’agissait de faire parler ces tensions électriques que l’on doit bien trouver dans le liquide céphalo-rachidien situé entre la masse blanche du cerveau et la cavité crânienne.

Derrière ces mots, y avait-il coupure avec le passé proche d’une certaine théorisation de l’art et avec le surréalisme en particulier ? Je n’en suis pas sûr. Car, bien évidemment, de nombreux propos mais aussi de nombreuses manifestations de l’art contemporain ont à voir avec ce passé proche qui a libéré l’individu, l’homme, l’artiste (qui n’est qu’une seule et même personne) des carcans de l’Académisme.

Le terme de « manifeste » donne d’ailleurs bien la filiation de ce qui est écrit ici. Et nous ne cherchons pas à enlever au surréalisme son mérite dans cette révélation et cette renaissance de l’art qu’il a revendiqué en son temps. D’ailleurs, nous faisons nôtre aussi toutes les explorations de l’art contemporain en fonction de la diversité des moyens qui sont à sa disposition.

Mais comme dans le processus psychanalytique, nous cherchons ici les moyens pour l’art contemporain de son dépassement et de sa sublimation. Il nous faut donc repenser sa cohérence et aussi s’il peut, après les cataclysmes de la première guerre mondiale et le désastre pour l’humanité qu’a constitué la barbarie nazie, revendiquer un nouveau champ d’expression. Sans que pour autant, il donne à penser qu’il rejette dans les poubelles de l’histoire les oripeaux de cette période maudite.

Et c’est là que j’en arrive à Syberberg. Dans la quatrième partie de son film de 1977 : « Hitler, un film d’Allemagne » dont l’essentiel est tourné sur fond d’images d’actualité et de propagande nazie, Syberberg ouvre l’avenir par une porte de sortie sublime pour le pays des Hyperboréens.

L’humanité qui fait sa part à l’onirisme mais aussi à l’usage des technologies les plus contemporaines n’a d’autre solution que de renouer avec ses origines culturelles, celles qui lui ont permis de sortir de la barbarie justement. Le référent mythologique celui que revendique Syberberg c’est le « culte d’Apollon ». Dont nous savons aujourd’hui ce que le christianisme lui doit mais plus largement encore toute la culture occidentale dans sa revendication d’un dépassement du destin des hommes et de l’homme.

Comme Nietzche avant lui, ou Schopenhauer, Syberberg s’interroge sur la façon de sortir de l’ornière de la guerre des civilisations et s’en remet à la culture grecque pour essayer de retrouver un fond commun, un substrat qui permette à l’individu un dépassement qui ne le conduise pas à de nouvelles batailles inutiles, à de nouveaux affrontements archaïques, à des mutilations éternelles. L’homme du vingtième siècle en a-t-il été capable ? L’homme du vingt-et-unième siècle en sera-t-il capable ?

C’est un peu le défi de nos générations et des générations à venir. A neuf milliards, sur une terre de plus en plus petite avons-nous une autre solution que de parier sur le « merveilleux » ? Sur cette capacité de l’individu à susciter le « merveilleux » ? Avons-nous d’autres solutions que de recourir à la poésie ?

Et pour cela, est-il un autre chemin que de revenir à un objectif collectif ? Il ne s’agit évidemment pas de revenir à la revendication indépassable de Dieu, comme pour Pascal ou à la revendication de l’Etat, mais d’éviter le désastre qui consisterait pour l’humanité à oublier certaines parties d’elle-même. Ce qui ne pourrait que la conduire à perpétuer le Cri de Munch.

Le merveilleux se définit dans l’Art et je crois quelques soient les civilisations par le « sans nombre ». C’est-à-dire l’infini des possibles que nous offre l’environnement sublime dont nous sommes dotés. Ce qui depuis les débuts de l’humanité suscite l’émerveillement de la vie, la béatitude, l’esprit de découverte, l’optimisme, le dépassement, la sublimation… toutes choses qui ne pourraient exister sans cette appréhension du merveilleux.

Le merveilleux, c’est le contraire de ce que le régime hitlérien a pu déployer avec ses camps de concentration et d’extermination, avec sa propagande, avec son militarisme d’émasculés, avec sa sottise de barbares incultes. Et, Syberberg , avec beaucoup de justesse, a bien fait de superposer aux images de la bêtise institutionnalisée (la propagande de Goebbels), les images de la créativité humaine et supra-humaine, du « surhomme » au sens véritable du mot c’est-à-dire non pas l’homme supérieur et fat de cette supériorité prétendue, mais de l’homme qui peut développer ses potentialités créatrices au service du merveilleux. Et Syberberg s’est fait merveilleux ! Merci, merci beaucoup.

Alors pourquoi les Hyperboréens ? Comme je l’ai dit plus haut, j’ai hésité. J’étais content d’avoir proposé l’idée de « vibrillement » pour définir cette excitation particulière du cerveau lorsque nous sommes touchés par le merveilleux d’une poésie, d’une peinture, de l’expression d’un sentiment, de l’amour fou … cette notion de « vibrillement » restera.

Elle sera même, j’en suis sûr, déclinée voracement par ses détracteurs. Je les attends au tournant ! Cela m’amuse d’avance, connaissant le goût de mes pareils pour la facétie. Mais que pourront-ils contre l’appréhension du merveilleux ? Et que pourront-ils dire contre ceux qui cherchent à découvrir le processus qui permettra à chacun de s’approprier intérieurement une part de ce merveilleux, voire d’en développer les potentialités pour lui-même et pour les autres ?

Mais elle donnera aussi lieu dans le champ scientifique à des batailles. A quoi peut bien correspondre ce « vibrillement » physiologiquement ? Doit-on le mettre au compte des neurones et des décharges électriques qu’elles provoquent ? Ou des astrocytes oubliés de la mémoire ? Peut-on en trouver les sources dans ma première intuition qui est que ce processus ne se trouve pas dans le cerveau lui-même mais dans le liquide qui l’entoure et qui l’isole et le met en même temps au contact de la boîte crânienne ?

Alors, pourquoi pas un « manifeste du vibrilisme » ? Entendez-vous déjà les éclats de rire ? Moi, oui. Mais ça viendra sûrement. Et, je le trouverais justifié pour tout un tas de raisons que je laisse à ses futurs promoteurs le soin d’élucider et de développer.

Pour le moment je préfère cette référence aux Hyperboréens. Car Apollon, lorsqu’il quitte Delphes, le « nombril du monde » mais aussi le sanctuaire de l’humanité, le Mont Parnasse pour Le Pays de Hyperboréens fait le choix de quitter le monde des hommes mais aussi le monde des religions révélées pour un monde inconnu, non pas l’autre monde mais, il est vrai, un monde sidéral sans être un monde utopique. Il est et il n’est pas. Il a une réalité et il n’en a pas.

C’est ça la force d’Apollon et pourquoi depuis toujours nous le révérons. Pourquoi Jésus est un Apollon. Pourquoi Bouddha est un Apollon. Et Mahomet une figure éthérée. Pourquoi Shiva est insaisissable. Ne sont-ils pas tous la destinée de l’homme : un hyperboréen ?

Dieu ou humain trop humain ? Apollon est la Lumière, il conduit le char du soleil, il est le fruit de l’infidélité, il guérit, il est le chantre des muses, le dieu des arts…son arc d’argent est symbole de sa force et de sa fécondité, sa lyre de sa maîtrise des arts de sa capacité à transmuer le monde…il fait aussi le choix de l’ascétisme et du refus du monde tel qu’il est. Il se retire tous les hivers dans le pays de hyperboréens pour signifier son détachement des passions humaines…son culte n’a jamais disparu car les religions révélées n’ont fait que s’accaparer ses fonctions pour se les approprier et au final construire des cultures qui s’affrontent sur un héritage commun.

Et pourtant toutes les époques, toutes les générations, toutes les cultures raniment régulièrement son souvenir voire son culte…sauf qu’il ne s’agit pas d’une religion mais plutôt d’une référence, d’un repère que chacun peut s’approprier et qui lui permet intuitivement de comprendre l’importance de la Beauté pour notre survie, de notre connaissance du Merveilleux pour diriger notre vie et assurer notre survie. On le trouve en bonne place dans les jardins royaux et dans les jardins publics…Louis XIV se fait représenter en Apollon et les jardins de Versailles en symbolisent le culte, dans les musées, sur les places publiques, référence esthétique mais à l’heure de la perte du sens religieux n’est-ce pas le signe d’une revendication du sacré par le discours officiel ou dominant. Qui d’ailleurs, le plus souvent ne le maîtrise pas .

Alors pourquoi aujourd’hui revendiquer la nécessité d’un Manifeste des Hyperboréens ? L’humanité manquerait-elle de repères ? A-t-elle besoin d’une nouvelle religion ? L’Art est-il la religion nouvelle ? Y a-t-il un tournant pour l’Humanité ? N’est-ce pas « l’éternel retour » nietzschéen ?

Alors que le monde sombre dans ses démons matérialistes, ses crises financières, économiques et sociales, que la terre lui fait connaître sa force herculéenne à travers de multiples catastrophes naturelles ( typhon, tremblements de terre, raz de marée), que le passé, le présent et le futur ne semblent que « cendres et larmes » y a-t-il un espace pour la pensée ? Y a-t-il un temps pour écarter la contingence des désastres et proposer un nouvel espace de liberté aux hommes ? La lumière peut-elle éclairer le monde ?

Après trente ans de radicalisme et d’extrémisme politiques, de revendications individualistes voire égoïstes, il semble qu’il y ait place pour le collectif. Non pas le Dieu pascalien, ni l’Etat wagnérien, mais un référentiel commun.

L’Art est en crise et surtout les artistes veulent sortir de l’ornière, proposer un nouveau chemin. Est-ce l’esprit de finesse qui veut l’emporter sur l’esprit de géométrie ? Peut-être un peu. Il s’agit en tous les cas de ne plus faire que constater le désastre humain, la part maudite de l’homme mais justement d’en sortir.

Hier, en revisitantlemusée Bourdelle dont tout le monde connait la sculpture pour le monument aux morts de Montauban, je tombais en arrêt devant son Apollon et les Muses courant vers Apollon et je pariais avec Bruno Vial que ces sculptures dataient d’avant la Grande Guerre. Pari gagné. 14-18 a tout changé dans l’art. La beauté idéale a fait ses valises et sont venus la remplacer les monstres de la barbarie, de l’Enfer, de l’Apocalypse.

Apollon est resté en exil chez les Hyperboréens une longue nuit. Une terre sans soleil a conduit l’homme d’impasses en impasses. Et l’Art a répudié la part la plus glorieuse de son héritage. A tel point d’ailleurs, que pour tout une frange de la société le Beau n’est pas de l’Art.

Est revendiqué comme Art ce qui fait le quotidien ; permettant l’accès de chacun à l’Art mais par une simplification abusive conduisant à revendiquer comme art l’exposition de la partie la plus scatologique de l’espèce humaine.

Cette tendance se fait jour dès la fin du dix-neuvième siècle dans le théâtre wagnérien. Elle est théorisée par Nietzsche dans « la naissance de la tragédie ». La lutte entre Dionysos et Thanatos semble gagnée par Thanatos. Le mal domine le XXème siècle et appelle des résistances.

Dans l’art cependant on ne résiste pas et on se laisse emporter par la représentation de l’Enfer. L’abandon de toutes formes qui par certains côtés permet de rendre sa liberté à l’artiste est aussi à l’origine d’une déformation des buts de l’art.

Il n’est plus réservé ; il n’est plus cantonné à un espace ; il n’est plus institutionnalisé. Mais cette liberté nouvelle fait l’idée même de merveilleux et d’un but collectif pour l’Art disparaît au profit de l’expression individuelle qui donnera tous les « ismes » au vingtième siècle : expressionisme, cubisme, constructivisme, surréalisme…avec chaque fois son « manifeste », sa théorisation.

Les artistes qui maintiennent la tradition du Beau ne faisant pas évoluer assez vite leurs techniques sont vite dépassés par le « vitalisme » de ces mouvements qui appellent le « changement » et à ce titre sont bien en phase avec la société industrielle puis postindustrielle.

Ceux qui réussissent à se maintenir dans cette tradition sont rares et apparaissent comme des exceptions dans un monde qui veut que l’art adopte les canons esthétiques de la modernité. A chaque période du vingtième siècle, nous assistons à des « modes » dans l’Art. Ce qui évidemment déstabilise l’establishment mais permet aussi de le renouveler.