Nuits d’ivresse printanière.
Ce que nous apprennent les films sur l’homosexualité masculine, c’est que l’homosexualité ne peut pas être seulement une histoire d’hommes. Comme si l’homosexualité ne pouvait exister que par rapport à (j’allais dire "son contraire") l’hétérosexualité.
Comme si l’homosexualité n’était qu’une variante de l’hétérosexualité, justement. Et non son contraire. Comme si cette opposition homo /hétéro n’était qu’une construction sociale avec toutes les conséquences psychologiques pour tous, mais aussi macro-sociales.
Peut-être jamais aucun discours n’a mieux que « Nuits d’ivresse printanière » décrit cet état de fait. A travers les amours successives de Wang Ping et Lu Haitao pour Jiang Cheng, le réalisateur Lou Ye nous raconte avant tout une histoire d’amour et de jalousie.
Jalousie de la femme de Wang Ping qui fait suivre son mari par Lu Haitao. Désir de Lu Haitao pour Jiang Cheng quand la découverte du pot aux roses rompt la relation de Wang Ping et Jiang Cheng, conduisant au suicide de Wang Ping.
Désir et Jalousie de Li Jing pour son ami Lu Haitao séduit à son tour par Jiang Cheng. Détresse de la femme de Wang Ping qui pour se venger de la destruction de son foyer essaie d’assassiner Jiang Cheng.
Les sens sont exaltés par le trouble jeté dans la vie de chacun par la révélation de l’ensemble de ces sentiments passionnés. Et si l’homosexualité pimente l’histoire, Lo Ye ne fait pas de la passion cachée d’un homme pour un autre homme le cœur de son film.
Ce qui l’intéresse et ce qui nous intéresse, c’est la tendresse de tous ses personnages. C’est la banalité de leur quotidien et de leur environnement. Les décors sont d’une banalité extrême. Les activités des personnages ceux de la Chine d’aujourd’hui.
L’une est ouvrière du textile dans une usine de contrefaçon ; un autre est libraire, journaliste ou tient une boutique de vêtements. On circule en voiture sur des autoroutes de la Chine moderne. On danse, fume, boit dans les boîtes de nuit où se retrouve la jeunesse chinoise.
En même temps, les scènes sont d’une crudité terrible pour tous les personnages. Un espace, une vie qui ne laisse place qu’à la banalité, est transmué en un univers de fantasmes par la seule force de l’amour que les êtres se portent les uns aux autres, et son revers, la jalousie.
L'amour est clandestin. C'est ce que nous montre Lou Ye. L'ivresse vient de là. Et tous veulent boire la coupe jusqu'à la lie. Mais la clandestinité est difficile à vivre pour tous ceux qui y sont confrontés.
Les scènes d’amour entre hommes sont d’un érotisme inégalé ; mais ce qui nous marque est la formule de tous les amants délaissés, hommes-femmes confondus : « tu me manques ».
Une fleur accompagne le film : la fleur de Lotus. Un thème est revendiqué tout le long du film : l’efflorescence. Et Lou Ye nous rappelle que le poète chinois dit : « Une fleur est l’image du monde ». La femme est fleur mais l’homme aussi.
Mauresk
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire