LEVIATHAN
Il y a quelque-chose de paradoxal dans la sculpture d’Anish Kapoor, il l’a veut abstraite mais s’impose cependant systématiquement de lui donner un nom.
Ainsi en-est-il d’ ASCENSION présentée à Venise en parallèle de la Biennale dans la basilique de Saint Georges. Placée dans le chœur de l’église, la sculpture de Kapoor est composée d’un aspirateur situé au niveau de la coupole et sensé avaler la fumée de cigarettes dégagée par un cendrier géant posé quant à lui devant l’autel.
LEVIATHAN est le nom donné à la sculpture proposée par Kapoor pour MONUMENTA 2011 au Grand Palais à Paris. 15 tonnes de lais de PVC encollés et gonflés composent cette sculpture d’un nouveau-type. Il s’agit de remplir le volume du Grand-Palais caractérisé par sa nef en architecture de fer et de verre qui donne une luminosité « supérieure à celle de l’extérieur » selon A.K.
Mais nommer une sculpture n’est-ce pas prendre le risque de faire passer une œuvre de l’abstraction à une forme de figuration et donc de diriger le spectateur au lieu de le laisser se pénétrer de l’œuvre pour l’interpréter librement ?
Pour Kapoor l’avantage de l’art abstrait sur l’art figuratif c’est d’ouvrir l’espace d’interprétation et de poser des questions philosophiques. A cet égard, le concept d’objet-peau qu’il utilise pour Léviathan s’inscrit dans cette perspective.
La matière en PVC est rouge nous dit-il car c’est la couleur la mieux connue des êtres humains. Elle leur est autant intérieure qu’extérieure et donc est, selon lui, supérieure au bleu. Ses effets d’ombres et de réflexion de la lumière seraient aussi pour lui supérieurs.
Pour Léviathan, l’objet-peau offre au spectateur une expérience inédite. Dès l’entrée, le spectateur est happé à l’intérieur de la sculpture constituée d’une membrane rouge translucide, fluide et chaude qui ne peut manquer de faire penser à un antre, un gouffre, une galerie (aux deux sens du terme) mais aussi évidemment très vite l’intérieur du corps humain et cette partie intime du corps féminin : le con, le vagin, la matrice.
La chaleur, l’oppression tant visuelle que sensitive que nous ressentons nous met assez vite dans une ambivalence qui est celle de se demander si nous nous y sentons bien ou mal. S’il faut y rester et s’il faut en sortir. Ça se termine toujours par une forme d’expulsion.
Ce n’est que dans un deuxième temps que le visiteur prend connaissance de la globalité de l’œuvre, de son extérieur : c’est-à-dire la partie gonflée constituée de sphères reliées les unes aux autres et qui donne un formalisme à l’ensemble immense, rond, rouge. Il peut alors circuler dans la nef du Grand-Palais et s’interroger sur ce qu’il vit à ce monumenta-là !
Est-ce l’expérience du nouveau-né que veut nous faire vivre le sculpteur ? Ces formes sont-elles les cuisses, les fesses, les seins nourriciers de la mère ? Le sculpteur ne cache pas dans les interviews qu’il a données cette analogie.
Mais alors pourquoi LEVIATHAN ? N’aurait-il pas mieux valu FEMINA ?
C’est donc bien pour guider le spectateur que Kapoor nomme son bébé LEVIATHAN.
Nous savons à quoi renvoie cette expression, plutôt à l’oppression qu’à la douceur, plutôt à la force brutale de l’Etat-nation décrite par Bodin et Hobbes plutôt qu’à l’amour maternel et à la tendresse féminine.
Kapoor veut-il nous dire que tout est violence de la naissance à la mort ? Mauresk.
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