Zabriskie point ou la question de l’amour libre.
Zabriskie Point n’est pas pour Michelangelo Antonioni seulement un tournant géologique, mais plutôt celui des mœurs en Occident et peut-être pour le monde à la fin des années 60.
Marc veut « mourir » ! Mais « pas d’ennui » ! Il est prêt à s’engager contre la société américaine de son temps ; qui a déjà toutes les caractéristiques de la société américaine d’aujourd’hui, c’est-à-dire de la société mondialisée.
Antonioni nous balade dans une société américaine déjà postindustrielle; même si le marketing commercial dont il nous abreuve dès le début du film concerne le fleuron des géants industriels disparus depuis dans les montagnes russes du capitalisme financier international.
Ce qui meut les étudiants de l’époque, dont Marc fait partie, ce sont encore les passions nées des grandes ruptures du XIXème et du début du XXème siècle. Marc se fait appeler Marx Carl lorsqu’il est emprisonné pour avoir voulu s’intéresser au sort de ses comparses raflés par la police fédérale.
Comment prendre de la hauteur ? Comment créer un choc dans cette société enrégimentée, policière, et occupée seulement d’affairisme et de découpage des activités sociales en micromarchés ?
Marc, d’abord, s’arme comme on peut le faire si facilement dans cette société de libertés, assiste à un crime policier contre un étudiant noir et à une riposte dont il est soupçonné (à tort) être l’auteur.
Aussi il s’enfuit, et en bon héritier de la classe dominante américaine, il « emprunte » un avion et s’envole au-dessus de Los Angeles (déjà une conurbation aux contours indéfinis) puis du désert.
C’est alors que le film devient poétique. Tout est improbable et l’analyse économique et sociologique bascule dans le fantasme et dans le rêve, dans l’utopie.
Marc, après un ballet amoureux avec une voiture survolée dans la Vallée de la Mort atterrit et rencontre Daria. Ils font l’amour dans les dunes, roulent dans le sable et sont rejoints par quelques dizaines d’autres couples qui s’adonnent aux mêmes joies du sexe qu’eux.
Pendant ce temps, un artiste fou repeint l’avion pour en faire le messager de la nouvelle société désirée. Initialement la scène finale, coupée par le PDG de la MGM de l’époque, devait montrer l’avion survolant Los Angeles avec traînant derrière lui une banderole sur laquelle était inscrit : « Fuck you America ».
L’amour libre, c’est aussi la liberté de se quitter. Aussi Daria et Marc retournent à leurs destins. Daria, rejoint Phoenix où elle est attendue en tant que secrétaire d’un promoteur immobilier. Sur la route, elle entend par la radio que Marc a été abattu lorsqu’il a atterri à Los Angeles.
Le film se termine sur un fantasme de Daria : l’explosion répétée de la maison futuriste où architectes, promoteurs et affairistes négocient dans un climat de spéculation qui n’a rien à envier au nôtre.
Plus qu’un rêve, cette scène finale est une peinture surréaliste, du Dali mouvant ou mourant ! Tout explose comme une centrale nucléaire aujourd’hui !
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