jeudi 2 décembre 2010

Ça sert à quoi de peindre aujourd’hui ?

(lire le post-scriptum pour ceux qui ont lu l'article avant la critique de "Matthias le Peintre").

Une question de tous les temps : « ça sert à quoi de peindre aujourd’hui ? » Pourquoi peindre ? Que fait-on lorsque nous peignons ? Y a-t-il exorcisme ? De quoi ?

La peinture apporte-t-elle des réponses à l’existence ? Nous dit-elle « E » (epsilon) : « Tu es » ? ou comme à l’entrée de Delphes : « Connais-toi toi-même ? ».

Cette question de la peinture est redondante. Matthias Grünewald, le peintre du Retable d’Issenheim, se la pose comme tout peintre qui réfléchit à son art. Mais la question n’a pas de réponse.

Et pourtant, je, tu, il peins (t). La couleur s’étale ; j’ai envie que ce soit beau et le plus souvent je suis déçu. Et pourtant, quand je porte mon dessin à maman que me dit-elle ? « C’est beau » !

Par ces mots, elle me ravit. Elle m’apprend « le Beau », me l’inculque malgré elle, fait que toute ma vie je cherche « le Beau ». Toujours me trompant sans doute, mais toujours essayant.

Comme lorsqu’elle dit à son enfant qu’il est beau. C’est quoi le « Beau ». C’est quoi ce que cherche maman dans son enfant, dans un dessin, des gribouillages, des coulures plus ou moins bien étalées sur un papier ?

Quelqu’un me dira-t-il encore la Beauté ? En suis-je encore capable ? Le défi n’est-il pas insurmontable ?

Et puis quand on regarde autour de soi. Toute cette violence, ce monde insatisfait qui se défait, cette lutte sans merci pour survivre, trouver sa place, la conserver. Cette négligence !

Alors la peinture oui, la peinture encore et toujours. Retourner à la table. Tourner le dos à la classe. Prendre son pinceau, ses couleurs et sans frein que soi-même se lancer. Il y a des risques c’est vrai que ce soit laid. Qu’il faille froisser le papier, abandonner une œuvre imparfaite.

Et pourtant E (epsilon) existe par ce geste ; E se confronte à soi-même ; propose par ce geste même une autre Geste.

Un autre monde existe, à portée de tous ; là, il suffit de regarder, de porter son œil sur les êtres et les choses. Découvrir et redécouvrir l’infini des possibles pour chacun d’entre nous. Sans doute ce qui fait Courbet appeler son paysage de mer à Palavas : « Marée basse, soleil couchant (Immensité) ».

La parenthèse est l’E de la dénomination du tableau : (Immensité) ! Importance accentuée par la majuscule. Ce qui donne au tableau son sens véritable par son ambiguïté même.

Ce n’est pas la plage, ce n’est pas le ciel, c’est l’Immensité que nous peint Courbet. A portée de main, d’œil, il y a l’infini de la terre et du cosmos. Regardons-le.

Dans le Retable d’Issenheim, Grünewald nous dit la même chose : il y a l’immense douleur des guerres et des hommes, mais qu’est-elle à côté du Sacrifice du Fils de Dieu pour nous ? Immensité du Sacrifice qui dépasse l’immensité de la douleur.

Le Sauveur n’a-t-il pas été sacrifié sur le Golgotha, là où fut enterré le Premier Homme ? Le premier Pêcheur !

PS : Je suis allé voir l’Opéra de Paul Hindemith « Mathis der Maler ». Ce n’est pas un bon opéra. La trame en est confuse ; l’histoire complexe est très difficile à mettre en scène. C’est une narration découpée en parties quasi étanches les unes avec les autres ce qui enlève toute cohérence à l’ensemble.

De ce fait, il est très difficile de suivre le spectacle ; la musique est contrariée par une mise en scène absconse qui happe notre concentration sans nous donner les clés du fonctionnement de l’opéra et de la scène. Ce qui rend l’ensemble illisible.

Les Sept Tableaux de l’opéra sont d’une esthétique douteuse. La critique et la présentation du spectacle insiste sur le parallèle entre la situation au temps de la Guerre des Paysans et la montée d’Hitler au pouvoir. Mais fallait-il à ce point, insister sur cette ressemblance ?

Hindemith la souhaitait-elle ? N’est-ce pas plutôt un artefact contemporain fait de contrition et de repentance ? Le char, les troupes bolchévisées, la Nuit de Cristal, le Christ culotté, le retable désacralisé : tout est lourd, vulgaire et confus. Comme l’époque sans doute ! La nôtre !

Mais ça ne crée nulle émotion, tue l’intérêt et on quitte l’opéra en se demandant ce qu’on est venu y faire.

Mauresk.

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